d’Oubié de l’autre côté du Taccazé, doit faire une loi
aux chefs tigréens d’unir leurs efforts pour le repousser.
Des prêtres aussi s’interposent. D’ailleurs la
réputation militaire de Balgada Aréa ayant causé plusieurs
désertions parmi les troupes de Nebrid Ouelda
Sallassé, ce lu i-c i se voit bientôt contraint d’accepter
les conditions avantageuses qui lui sont offertes. Le
commandement de toutes les provinces qui dépendent
d’Axoum lui est laissé, ainsi que celui des deux districts
d’A d e t, et sur ces bases, l’alliance est jurée de part
et d’autre. Aussitôt après l’armée vient se placer en
avant des collines. d’Atabo , à peu de distance de
l ’église d’Axoum, où les deux chefs ont une entrevue.
Deux jours passés en fêtes célébrèrent cette alliance,
et les coalisés revinrent s’établir dans le camp qu’Oubié
avait fait construire près d’Adoua, avant de s’en
aller dans l’Agamé. Il fallait s’occuper de pourvoir aux
gouvernements des districts et de répartir entre eux
l’impôt des vivres.
Peut-être, en cette circonstance, Aréa eut-il tort de
ne pas poursuivre sa veine de succès, en traversant le
Taccazéavec sa nombreuse armée, et en allant attaquer
Oubié, qui, outre l’embarras que lui causaient diverses
révoltes, n’avait sous ses ordres que des troupes démoralisées
et, pour la plupart, mal armées. Mais à supposer
même qu’il eût été plus habile de faire prendre l’offensive
à Oubié, la faute incontestable d’Aréa fut de
laisser une armée comme la sien n e , où la discipline
était si précaire, pendant tout un hiver dans l’inaction,
et cela, dans un but aussi vain que celui de satisfaire
à l’âpre cupidité de quelques subordonnés, qui,
au moment de lever l’impôt, se firent donner le gouvernement
des districts.
Quelques jours s’étaient à peine écoulés à ce camp
d’Adelata, que des signes de division éclatèrent parmi
les chefs. Bientôt on y répandit le bruit que Guébra
Rafaël ourdissait une conspiration. Ce bruit était-il
fondé, ou bien n’était-il que le premier effet du mauvais
vouloir de ses nombreux ennemis? La suite semble
justifier cette dernière supposition. Guébra Rafaël
lui-même paraissait soupçonner quelques complots
contre sa personne, car il plaçait toujours ses tentes aux
extrémités du camp, sans doute pour être prêt à s’échapper
au besoin. Enfin, les avertissements qu’il reçut
furent assez pressants pour qu’il songeât sérieusement
à la fuite ; mais, trompé par les semblants d’amitié d’Ato
Baraki, il consentit à se rendre à un grand conseil des
chefs. A son entrée, tout le monde se leva, et il fut invité
à prendre place; mais, au moment où il s’as-^
seyait, il se sentit saisir par derrière. Plus v if qu’un
tigre, il se dégage d’un bond, et, poussant son cri de
guerre, abba chema! il se précipite, le sabre haut, sur
Balgada Aréa. C’en était fait de celui-ci, si tous les seigneurs,
d’un commun mouvement, ne se fussent jetés
sur Guébra Rafaël. Il fut immédiatement enchaîné.
Dans le même instant on désarmait tous ses soldats.
-Quelques jours après, Ato Guébra Rafaël sortait du
camp sous la conduite d’Ato Agaze et d’Ato Teclai, qui
le menaient, disait-on , sur la montagne d’Arara, pour
l ’y constituer prisonnier. Arara est à quinze jours de