garder de deux ennemis également dangereux, les
bandes de pillards et les animaux sauvages, dont ces
localités sont presque toujours peuplées. Chacun commença
donc à faire ses préparatifs de départ, et enfin il
fallut nous éloigner de cette rive désastreuse, où je voulais
, malgré les supplications de mes g en s , attendre
que quelques vestiges vinssent me dire quelque chose
du sort de mon compagnon. Mais la responsabilité morale
de la vie de trente hommes qui m’accompagnaient,
pesait encore sur m o i, et je ne pouvais faire autrement
que de prendre les mesures qu’exigeait leur conservation.
Je dois néanmoins rendre ici justice à l’excellence
de leurs sentiments. Malgré la fatigue d une montée de
1000 mètres, deux d’entre eux, qui étaient malades,
refusèrent de se servir de la mule de Petit, et aucun
de ces fidèles domestiques, pendant tout le reste du
voyage, ne manifesta le désir d’occuper la place où
leur maître s’était si longtemps assis.
La nuit était close lorsque nous rencontrâmes des
habitations : c’était un groupe de chaumières, et nous
demandâmes la permission de planter notre tente auprès
de l’une d’elles. Cette chose si simple ne nous fut
cependant accordée qu’avec difficulté. A la pointe du
jour nous nous mîmes en route pour la ville de Chimé-
Guiorguis. Nous passâmes d’abord à travers des prairies,
coupâmes le ruisseau de Leguesse Ouaha, et fîmes
une halte après trois heures de marche. Il nous fallut
trois autres heures pour arriver à Chimé-Guiorguis,
qui est bâtie sur le sommet d’une colline, à Fentrée
d’une vallée, par laquelle se dirigent les marchands qui
vont à Madéra-Mariam, une des principales villes du
Béguémedeur.
Au sortir de Chimé-Guiorguis, nous nous engageâmes
dans cette vallée verdoyante, resserrée entre
deux hautes chaînes couvertes de bois et de nombreux
villages. Elle est arrosée par une petite rivière appelée
Gota, qui sort du versant occidental et va se jeter dans
le Nil. Le terrain en est volcanique; on y trouve beaucoup
de mimoses et de figuiers sauvages, et, au sommet
des collines, le genévrier et l’olivier. Trois heures
après nous abordâmes le grand ruisseau de Tchena, à
sa jonction avec le Ouanka. Le premier vient d’Estié,
le deuxième descend de la chaîne de Dèbra Tabor.
Nous laissâmes à l’E., à trois m illes de distance, la ville
d’Estié, et nous vînmes camper près d’un village situé
sur une colline, dans la même plaine.
Estié est posé d’une manière très-pittoresque sur
un petit mamelon, au milieu de deux pitons qui ont
forme de pyramides. Ses environs sont boisés; au
bas du mamelon, une vaste prairie, coupée de nombreux
ruisseaux, produit d’excellents pâturages. De
1 endroit où nous étions campés, nous apercevions De-
bra Tabor et Gouna, ainsi que la ville de Chimé-
Guiorguis, et quelques sommets du Godjam. Le 6 ju in,
nous quittâmes Estié et fîmes route au nord-ouest,
suivant toujours la même vallée ; puis nous vînmes dans
une autre, nommée Zendo-Goudgouad. Après trois
heures de marche, nous arrivâmes à Madéra-Mariam,
placée sur un petit plateau qui se relie à la chaîne de
Debra Tabor. Madéra-Mariam est ville asile; elle est