mettent en Usage une sorte particulière d’émission sanguine en déchirant
la muqueuse qui tapisse les fosses nasales à l’aide de leurs ongles,
qu’ils laissent croître exprès. Les Abyssins ont une méthode analogue
pour les angines tonsillaires si communes à certaines époques. Des
hommes spéciaux consacrés au traitement de cette maladie se laissent
pousser l’ongle de l’index et pratiquent sur les amygdales enflammées
de véritables scarifications, en appuyant fortement avec l’ongle saillant.
Dans certains cas, même quand la glande est très-fortement engargée,
ils parviennent à l’énucléer et à l’arracher avec leurs doigts.
Dans les cas d’angines gangréneuses ou couenneuses, ils mettent en
usage un remède qui, au premier aspect, paraît bien peu rationnel, et
qui cependant réussit quelquefois : c’est le poivre noir en grain qu’ils
mâchent par poignées. L’action de cp moyen se conçoit cependant; il
n’est pas sans analogie avec celui que nous opposons à la même maladie
quand nous cautérisons le fond de la gorge avec la solution de nitrate
d’argent. Les Abyssins connaissent donc, eux aussi, la méthode de la
substitution, qui consiste à remplacer l’inflammation spécifique de mauvaise
nature par une phlegmasie franche et légitime.
Dans les maladies de gencives, on pique celles-ei avec une épine pour
les dégorger, puis on les couvre d’un enduit noir qui doit rester pendant
trois jours. Le malade reste donc à la diète, ne prenant qu’un peu de
pain pour toute nourriture, et il se voile soigneusement la bouche pour
qu’elle ne soit pas vue; car les regards de toute personne autre que les
jeunes garçons et les jeunes filles ayant encore leur virginité, feraient
tomber la couleur, et il faudrait recommencer l’opération. Oneomprend
qu’en réalité toute la médication consiste ici dans les nombreuses piqûres
qui font écouler une certaine quantité de sang.
La matière médicale des Abyssins est assez riche. Il est peu de pays
où l’on attribue aussi facilement des propriétés thérapeutiques aux
plantes ; presque toutes ont leur action réelle ou supposée dans le traitement
des maladies.
Ainsi nous avons déjà nommé six ou sept substances employées contre
le ver solitaire ; en voici quelques autres usitées dans diverses circonstances
et auxquelles on attribue une grande efficacité.
Anfare. Les boutons pelés et administrés à l’intérieur passent pour
un excellent remède contre l’angine, surtout chez les jeunes enfants.
Semmala. Plante déjà nommée à l’occasion du tænia, et dont les
feuilles sont employées dans les ophthalmies.
Koscosso. Les feuilles et les fleurs pilées combattent la dyssenterie.
Miéto. Regardé comme très-bon dans la dyssenterie et la rétention
d’urine, passe aussi pour avoir de grandes vertus contre la morsure des
serpents.
Enscéllale. C’est également un remède contre la morsure des serpents,
mais les habitants lui attribüent un pouvoir surnaturel pour charmer ces
reptiles; ils croient que cet arbuste, planté devant une maison, suffit
pour les en éloigner.
Arityra. Jouit, suivant eùx, des mêmes propriétés thérapeutiques et
magiques. Un homme qui s’estinoculé le suc des feuilles de l’amyra peut,
à ce qq ils croient, toucher impunément le reptile le plus venimeux.
Mais l’amyra a de plus d’autres propriétés plus positives : sa racine,
remplie d’un suc âcre et corrosif, appliquée sur le front, cautérise la
peau et donne lieu à des cicatrices en relief qui sont regardées comme
un ornement. Pilée avec le beurre, elle arrête les hémorrhagies, et on
comprend ici que cette faculté est due à sa puissance caustique.
Tendjoute. Se prend en fumigations contre la fièvre, et passe pour
faciliter l’accouchement.
Andaholla. La décoction de ses feuilles est usitée contre le ver lombric.
Quant au fruit, pilé avec du miel et mêlé à un autre fruit nommé
aneotchè, il paraît jouir des propriétés du seigle ergoté et favoriser l’a-
vortement, pratique assez commune en Abyssinie.
Koumèle. Ses feuilles pilées se mettent sur les blessures pour en déterminer
la prompte cicatrisation.
Fèto. Sa graine, broyée et associée au beurre, forme un onguent que
l’on étend sur les vastes plaies résultant de la castration.
Teffeure guarima (sorte d’asclépias qui croît dans le Tarenta). Le suc
laiteux est employé comme topique contre certains ulcères.
Je pourrais encore étendre cette liste; mais je préfère renvoyer à la
partie botanique de l’ouvrage, où l’indication des usages des plantes
accompagnera leur description.
F IN DE LA RELATION H ISTO RIQ U E.