de vertes collines. Les versants de la vallée s’élèvent
par gradins inégaux et coupés. Dans sa partie la plus
basse, coule la rivière Aouadi qui sort d’un gouffre, où
viennent tourbillonner les torrents projetés des hautes
montagnes environnantes, en frappant chacun dix gradins
avant d’arriver dans la vallée : leur fracas donne
l’idée de mille marteaux de forges, dont le bruit
serait répété par les échos d’une gorge profonde.
Pendant la n u it, le vent souffla du nord-est avec
une grande vio lence, et la pluie ne cessa de tomber.
Nous fûmes obligés de fixer notre tente avec des cordes.
Le matin, le temps s’étant éclairci, nous fîmes quelques
observations en attendant que nos bagages fussent
sécbés, car il eût été impossible de les charger dans l’état
où ils étaient. Nous distinguions alors dans la plaine
Adal, auprès de la rivière Aouache, un mont que les
nuages nous avaient caché la veille. Il a nom Tcher-
tcher ; sa forme conique lui donne l’aspect d’un volcan.
Nous pûmes également voir la montagne de
Ouorké (où l’on enferme les prisonniers d’État) à l ’extrémité
de la chaîne qui longe la rive gauche de la rivière
Aouadi. Les habitants nous dirent, en nous montrant
au sud un autre mont nommé Coundi, que les
trésors de Sabele Sallasse étaient déposés dans une de
ses cavernes. Derrière ce mont est la ville d Ankober,
qu’il nous cachait.
Enfin nous nous mîmes en marche ; mais à peine
avions-nous fait quelques pas, qu’une de nos mules de
charge, qui avait été saisie par le froid de la nuit, tomba
sans que nous pussions la relever. Grand était notre
embarras, car chacun de nos hommes avait sa charge, et
nous ne savions où mettre le fardeau; lorsque vinrent
à passer deux pauvres qui nous demandèrent la charité
: nous leur proposâmes de porter chacun un ballot
jusqu’à Angolola, et ils acceptèrent moyennant dix
morceaux de s e l, environ cinquante sous.
En arrivant au sommet de Fassil Amba, nous quittâmes
la province d’Ifate pour entrer dans le Choa
proprement dit. Une brume épaisse obscurcissait encore
notre vue; ilj était m idi, et le thermomètre marquait
10°. Nous descendîmes à l’ouest, et nous traversâmes
le ruisseau de Gour, qui passe au milieu de
la vallée de ce nom; appuyant un peu au sud , nous
suivîmes de larges plateaux, où l’orge était la seule
céréale cultivée, et le cossole seul arbre.
A trois heures après m id i, le ciel se chargea de gros
nuages : nous espérions arriver au village de Guendeu
Berete avant que l’orage éclatât ; mais nos espérances
furent malheureusement trompées, et nous étions
encore loin de tout abri lorsque les cataractes célestes
tombèrent avec une telle force, qu’il nous semblait
plutôt recevoir des douches que de la pluie. En même
temps le terrain devint si glissant que nos mules s’abattirent,
et il nous fallut marcher à pied. Nous atteignîmes
enfin Guendeu Berete; mais nos tribulations
n étaient pas à leur terme : on nous refusa maison, bois
et souper. Il nous fallut, tout trempés jusqu’aux os que
nous fussions, nous installer sous notre tente sans feu
et par un vent glacé. Nos mules partagèrent nos misères
en restant sans abri et sans pitance ; car sur ces