leurs rochers. La maison de notre hôte était justement
du nombre de celles pour l’emplacement desquelles on
avait moins consulté la salubrité que l’avantage d’être à
portée des cultures. Elle était située dans l’un des endroits
les plus bas et les plus marécageux, auprès d’un
affluent de la rivière Guembora : aussi M. Petit se douta
sur-le-champ du genre de maladie qu’il aurait à traiter.
La maîtresse du logis, prévenue de notre arrivée,
sortit et nous reçut le plus gracieusement du monde ;
mais elle se trouvait dans un grand embarras, résultant
de ce que les gens conviés au banquet occupaient
toute la maison. Nous tranchâmes la difficulté
en couchant sous notre tente, et on chercha à nous dédommager
de cet inconvénient par toutes les prévenances
imaginables : nos domestiques n’eurent qu’à se
réjouir d’être tombés à pareille fête.
En attendant qu’on nous amenât la malade, nous nous
mîmes à causer avec les conviés, et nous en tirâmes
plusieurs renseignements curieux. Ce district de Sanka
a un marché considérable qui se tient auprès de la rivière
Guembora ; on y vend principalement les mules
yedjous, renommées dans toute l’Abyssinie. Le pays
fournit aussi quelques bons chevaux, et souvent les
chefs du Tigré y envoient faire leurs remontes ; cependant
la race en est très-inférieure à celle des pays
gallas. On y trouve à vil prix beaucoup de grain et de
cire. C’est là que viennent s’approvisionner les habitants
du Lasta, et ils apportent en échange du sel ou
des thalers.
Au retour de quelques courses que nous avions été
faire dans les environs, nous trouvâmes un dîner prêt;
on nous engagea à y faire honneur, et ce ne fut que
quelque temps encore après que nous eûmes fini de
manger, qu’on nous amena la malade. C’était une jeune
fille de quinze ans, d’une figure intéressante, sur laquelle
étaient empreints les signes d’une mort prochaine.
Son aspect, et la tendre et inquiète sollicitude
dont elle était l’objet, me serrèrent le coeur, et lorsqu’on
nous eut dit qu’elle avait une large plaie à l’estomac, je
me retirai pour ne pas être témoin d’une souffrance à
laquelle je ne pouvais apporter aucun remède. Mais,
quoique je une fusse placé à une certaine distance, je
ne pus éviter d’entendre les cris que lui arracha la douleur,
lorsque le médecin, ayant fait enlever les bandes
qui recouvraient la plaie, celle-ci fut mise en contact
avec l’air. M. Petit reconnut un cancer scrofuleux, et
il ne lui fallut pas un long examen pour voir que le cas
était désespéré : aussi, après avoir mis sur la plaie un
emplâtre qui pouvait procurer quelque soulagement à la
malade, il vint à moi, et m’annonça le désir de partir
sans retard, pour ne pas nous exposer à la mésintelligence
que pourrait causer l’insuccès. Nous résolûmes
de nous mettre en route dès le lendemain, et d’aller
faire une halte à Oualdia, capitale de la province. Nous
comptions trouver là une maison commode pour faire
sécher nos plantes, et nous étions assurés d’y trouver,
plutôt que partout ailleurs, des renseignements géographiques
sur les pays d’alentour; car cette ville a un
marché où l’on vient de tous les points de l’Abyssinie.
•Nous prîmes donc congé de nos hôtes en leur expri