hémet Ali étaient ruineux pour les commerçants d’Arab
ie ; mais un pareil jugement n’est dicté que par une
vue étroite des choses. Sans nul doute, les monopolisations
du pacha portèrent à ces commerçants un préjudice
momentané; mais on ne peut légitimement l’accuser
d’avoir eu l’intention de continuer ce système,
une fois que les échanges eussent pris le cours
qu’il désirait; d’ailleurs les négociants lésés n’eussent
pas tardé à porter leurs spéculations sur d’autres articles
que ceux du monopole, en raison même de la plus
grande affluence des articles d’Europe sur le marché.
Mais les souffrances passagères du commerce d’Arabie
sont devenues réelles, de fictives qu elles auraient pu.
être, par suite de l’évacuation à laquelle a été contraint
le pacha d’Égypte; car, en perdant le bénéfice
des dédommagements qui lui étaient préparés,
ce commerce n’a pas recouvré l’ancienne activité des
échanges sur les articles du monopole, et notamment
sur le café. Il faut noter d’ailleurs que les négociants
d’Arabie jouissent d’une moins grande sécurité sous
l’autorité réintégrée du grand sultan que sous celle de
Mehémet Ali, et qu’ils sont encore partagés entre l’o -
Béissance qu’ils doivent au premier, et la crainte qu’ils
ont du second. Ils n’ont pas gagné davantage sous le
rapport des exactions; celles qu’ils subissent maintenant
sont d’autant plus onéreuses qu’elles n’ont aucune
règle, et par conséquent aucun frein.
Si d’ailleurs nous détournons nos yeux de ces circonstances
spéciales pour les porter un instant sur 1 objet
beaucoup plus capital des progrès de la civilisation,
qui, pouf avoir une influence moins instantanée sur le
commerce, n’en sont pas moins les seuls modificateurs
efficaces de cette branche de l’activité humaine; nous ne
craindrons pas d’être contredits, en constatant, comme
nous 1 avons déjà fait dans la relation de notre voyage
en Abyssinie,lors de notre passage àDjeddah, qu’à Mehémet
Ali seul sont dues les réformes qui rendent actuellement
le séjour de l’Arabie supportable aux Européens.
Qui n’a entendu parler de l’esprit féroce et indomptable
des tribus arabes? Il est tel encore, qu’Osman pacha,
le gouverneur aposté par le sultan, n’ose pas faire circuler
ses caravanes parmi elles, et borne l’activité de
son gouvernement à lever des contributions dans les
ports du littoral. La nature même semble s’être rendue
complice de ce caractère antisocial : une bordure torréfiée,
une longue grève, en quelque sorte infranchissable,
s oppose à 1 entrée des nations civilisées sur le
haut et fertile plateau d’Arabie. Isolés dans leur
croyance, dans leur esprit, isolés même dans leurs
terres, ces rudes pasteurs d’Arabie ont toujours été les
plus tenaces représentants du fanatisme musulman. A
ce titre donc, la conquête de Mehémet Ali, oeuvre difficile
et inexécutable pour tout autre que lu i, était un
bienfait pour le monde entier, pour ces populations
elles-mêmes. Déjà sa rare activité était parvenue à y
jeter quelques-uns de ces germes civilisateurs que les
peuples fécondent : pourquoi n’a -t-il pas été donné à
l’ensemenceur de soigner lui-même et de récolter sa
moisson? C’est ce que nous allons essayer d’expliquer,
et, si la conformité de nos opinions avec bon nombre