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1 4 0 0 OPHIDIENS SOLÉNOGLYPUBS.
Les piqûres furent si p romptes que j e les sentis à peine ; car les crorhets,
fins, acérés comme des pointes d'aiguille , ne restèrent pas l'espace d'une
seconde dans les petites ouvertures de la peau, très-mince en cet endjsàf
L'une de ces piqûres ne fut même pas indiquée par le moindre atome de.
sang coloré. Saisissant à l'instant même la tête du Serpent en arrière, je la:
repoussai en avant afin de décrocher les dents venimeuses, et j'essayai^
mais inutilement, de briser la colonne vertébrale en étendant le tronc,
avec force sur sa longueur et en sens opposé , le derrière de la tôle étant
retenu de la main gauche. Ne pouvant parvenir à rompre ainsi l'échiné,
j e me servis de la main droite pour aller prendre dans mon gousset une;
paire de ciseaux qui s'ouvrent à ressort. Je m'empressai d'en introduire;
les pointes dans le gosier du Serpent dont la bouche restait béante parce
que les mâchoires étaient ainsi repoussées par derrière. J e pus alors séparée
les vertèbres en dedans, et couper la moelle épinière en ménageant la peau,
du cou. J e jetai l'animal sur la terre, bien certain qu'il ne pourrait s'enfuir.
J e m'occupai alors de sucer les piqûres de mes deux pouces, mais les.
orifices en étaient trop exigus pour qu'il en sortît le moindre liquide..
J ' a u r a i s mieux fait de les inciser préalablement. Comme j'avais sur moi.
u n cylindre d'azotate d'argent fondu, recouvert de cire à cacheter, je découvris
un point de la surface de ce caustique, dit pierre infernale, pour
l'appliquer successivement sur les trois indices des piqûres, et environ
une minute après, sur la quatrième du pouce droit que j'avais négligée
d'abord ; mais y ayant remarqué un petit suintement sanguinolent, je crus
devoir employer la pointe d'une lancette pour ouvrir plus largement la
peau, afin que l'action cautérisante du sel d'argent pût s'y exercer plus
profondément. C'était, au reste, ce que j'aurais dû faire pour les trois autres
piqûres, qui ne me faisaient éprouver aucune douleur ni sensation
appréciable.
Le Serpent recueilli pour être conservé, je continuai ma promenade
pendant environ une heure et demie. Je m'apercevais à peine de ces petites
blessures pendant la première demi-heure. Cependant je remarquai,
que le dessus du pouce gauche, le premier piqué, se gonflait insensiblement,
mais sans douleur aucune. L'enflure s'étendit peu à peu du pouca
sur le dessus de la main , mais le seul effet éprouvé était celui d'un-engourdissement.
J'essayai, mais en vain, par des frictions, des mouvements,
d'extension et de flexion des doigts, en maniant une canne et en malaxant
la surface, de faire dissiper ce gonflement, qui allait toujours en,
augmentant et qui commençait à se manifester , quoique moins sensible-,
ment sur le pouce droit qui avait été soigné le second.
J e continuai de marcher, n'éprouvant aucun malaise, et il était environ
quatre heures et demie lorsque j'arrivai au village de Brunoy, assez près
VIPÉRIENS. G. PÉLIADË, 1401
d e l'embarcadère. Me sentant légèrement fatigué et précédant un peu ma
famille [qui m'accompagnait, je voulus l'attendre un instant en m'asseyant
sur une borne élevée qui bordait la rue ; mais à peine y étais-je
placé que, sans en avoir la conscience, sans avoir éprouvé la moindre sensation
pénible, il paraît que j e tombai en syncope, car je glissai cl j'étais
«ouché sur le terrain, lorsque mon fils, qui arrivait près de moi, m'aida
aussitôt à me relever. Très- ferme d'ordinaire sur les jamhes, j'étais étonné
moi-même d'être tombé et de ne sentir aucun malaise.
J e me remis en marche, mais au bout d'une centaine de pas, n'étant
pas pressé par l'heure du départ, et apercevant sur le bord de la route
une pile de planches assez élevée pour m'y asseoir commodément, je m'y
plaçai ayant les jambes légèrement suspendues. Mon fils remarqua alors,
sans que j'en aie conservé le souvenir, qu'il se fit dans l'une de mes jambes
d e petits mouvement s involontaires et répétés qu'il attribua à une influence
nerveuse.
Quelques moments après je continuai ma course. Arrivé à l'embarcadère,
j'avais, à ce que l'on m' a dit, le visage pâle et très-altéré ; j 'étais, en
efl'et, dans un état de malaise. Je m'étendis sur un canapé, éprouvant
quelques légers gonflements d'estomac. Je ne tardai pas alors à entrer
«dans un bon wagon et me plaçai près de l'une des portes. Là, pendant
,les trois quarts-d'heure que dura le trajet jusqu'à Paris , j'eus deux ou
t r o i s soulèvements d'estomac, qui me forcèrent à cracher, et comme j'étais
à jeûn depuis près de sept heures, je n'eus point de vomissement; il n'y
eut qu'un seul rapport amer ou bilieux.
Arrivé au débarcadère, j'allai à pied, mais avec difficulté, à plus de
200 pas trouver une voiture qui me ramena à mon domicile. Comme le
malaise persistait, je m'étendis sur un canapé pendant qu'on préparait
mon lit. Au moment où j e me levais pour m'y rendre, je fus pris d'un
•vomissement de bile pure, peu abondant, de trois ou quatre gorgées.
J5.endu près du lit, je me sentis très-faible et près de perdre connaissance,
surtout au moment où je m'y étendis. En quittant mes vêlements, je m'aperçus
que mon bras gauche était très-gonflé, depuis le poignet jusque
vers le milieu de l'avant-bras. Cependant je n'éprouvais là qu'un engourdissement
sans douleur réelle, et que la gêne qui résultait de la distension
des tissus.
J e fis faire sur toutes ces parties des onctions et des applications de
linges imbibés d'alcoholat de mélisse sur soixante grammes duquel on avait
ajouté un gramme d'amoniaque liquide, ce qui fut répété deux ou trois fois
dans la soirée. Le pouce d roi t , le dessus de la main et le poignet de ce
côté étaient aussi gonflés, mais à peine en avais-je la conscience.
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