782 OPHIDIENS OPISTHOGLYPHESl
Le fait est que les piqûres produites par les seuls crochets
antérieurs ne peuvent être dangereuses pour les gros animaux,
au moins pour ceux dont le corps, par son volume , excède le
diamètre de l'orifice buccal subordonné à l'ampliation que
permettent en général l'abaissement, l'écartement ou l'élargissement
des mâchoires. En eil'et, quoique l'intérieur de la
Louche soit, en apparence, muni seulement de crochets nombreux
ou de dents lisses, destinées par leurs pointes recourbées
et dirigées en arrière, à retenir simplement la victime
dans la peau de laquelle ces crochets ont pénétré, on peut remarquer
à l'extrémité postérieure de la rangée qu'ils occupent,
plusieurs autres crochets plus longs, sur la convexité
desquels il y a une gouttière canaliculée, comme une rainure
longitudinale. Il résulte de cette disposition que la proie n'est
réellement piquée, ou mortellement blessée, que lorsqu'elle a
été portée assez profondément vers le pharynx, tout-à-faitau
fond de la bouche, vers l'extrémité postérieure des os de la
mâchoire supérieure, qui se prolongent, dans ces espèces
beaucoup plus que dans les deux autres sous -ordr e s des Serpents
venimeux dont nous aurons à nous occuper par la suite.
Ainsi que nous venons de le dire, cette cannelure caractéristique,
qui règne le long des crochets postérieurs, offre un
sillon assez profondément excavépour faire paraître ces dents
comme divisées sur leur longueur, ou formées de deux pièces
soudées au fond d'une rainure longitudinale, et celle-ci va eu
se rétrécissant vers la pointe, qui est constamment très-acérée.
C'est le long de ce sillon que doit s'écouler le venin destiné à
pénétrer dans les chairs de la victime, et y déterminer probablement,
et fort heureusement sans doute, l'insensibilité
pour l'animal vivant, ou l'anesthésie, qui précède la perte de
la vie. Ce virus, en modifiant la sensation pénible de la douleur
, si même elle n'est pas entièrement anéantie, réduit l e
corps animé de la victime à l'état de matière inerte, abond
a n t e e u sucs nutritifs déjà tout préparés, et dont le Serpent
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p o u r r a extraire lentement mais très-complétement, toutes les
parties'alibilesque cette proie fournira, en parcourant le tube
digestif, pendant le long séjour obligé (fue la matière
animale est appelée à y faire, quoique ce canal intestinal soit
très-court et ne présente pas beaucoup de sinuosités.
Les caractères si importants, tirés de la présence, de la
i forme et de la situation distincte des dents cannelées, doivent
être ajoutés à ceux de l'existence d'une glande venimeuse dif-
« férente par sa structure des organes qui sont spécialement
destinés à sécréter la salive.
Il est fâcheux que le zoologiste ne puisse pas facilement
constater pendant la vie du Serpent, ces particularités , les
dents cannelées ne faisant que très-peu saillie en dehors bu
à l'extérieur de la gencive qui les recouvre. Nous avons dû
cependant adopter ce caractère comme la meilleure base
d'une méthode naturelle declassification. D'ailleurs , et par
voie d'exclusion^, on peut distinguer ces Serpents Opisthoglyphes
de tous ceux qui sont également venimeux. C'est ce que
nous allons prouver.
D'abord, les Serpents de ce troisième sous-ordre n'ont jamais
de dents sus-maxillaires antérieures, sillonnées ou cannelées.
Ils sont semblables , sous ce rapport, aux Aglyphodontes
; aussi ce n'est point par une première morsure qu'ils
peuvent inoculer leur virus. C'est le contraire de ce qui a
constamment lieu dans les deux sous-ordres qui suivent, car
les espèces qui y sont rangées présentent toujours en avant, de
longs crochets sillonnés vers leur pointe, s'ils ne le sont pas dans
toute leur longueur. En outre, ces dents cannelées sont seules
distinctes et isolées, et dans les derniers surtout, elles sont
quatre ou cinq fois plus longues que celles qui garnissent les
autres portions des mâchoires. De plus enfin, ces dents venimeuses
ne sont plus accompagnées de crochets simples dans
les Soléûoglyphes, dont les os sus-maxillaires sont réduits en
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