
le gravier qu’elles pouffent devant elles en
s’ ouvrant un paffage. Elles arrivent enfin dans
les lieux on règne l’ o r , & où à fon tour ü
devient utile, èn favorifant les grandes entre-
prifes, pour lesquelles les hommes qui ne fc
font pas fournis à des règles, ne fauroient fe
concerter. Les Etats fe chargent de ce que
les particuliers ne fauroient entreprendre : l’or
qu’ils raffemblent, étant le figne de la volonté
publique, lui donne en même tems de la force,
en lui faifant trouver des bras.
Ce Gravier que les Rivières pouffent irrégulièrement
devant elles, les rend vagabondes
au fortir des Montagnes; leur lit eft incertain;
elles font &; défont des Ifies, & occupent quelquefois
un terrein immenfe, fans en couvrir
jaritais qu’une partie, même dans les plus grandes
inondations. Qn entreprend alors de leur
frayer un chemin droit, & de les contenir par
des digues. Si cet ouvrage eft bien fait dès
l’origine, il l’eft presque pour toujours. Peu à
peu les terreins mis à fec, s’ élèvent & fe fer-
tilifent, foit d’ eux-mêmes par diverfes caufes;
foit par les foins des hommes : les Rivières elles
mêmes fortifient alors leurs digues en creu-
fant leur unique lit , & n’attentent que rarement
fur le lit vague qu’on leur a enlevé. R
eft impofllble par exemple de voir fans admi-
ratioh, la digue que l’ on a oppofée à la Loire
pendant l'efpace de près de 25 lieuës, de Tours'
à Orléans, 8c qui allure fur fa rive droite les
plus belles & les plus fertiles prairies. Ces
travaux des hommes en grande foeiété, réunis
fous un feul Gouvernement , compenfcnt fans
doute les maux particuliers, inféparables de l’aug-'
mentation de pouvoir qui réfulte de cette réunion
; pouvoir qu'il faut bien confier à quel-'
qu’un.
Tant que les terreins ne font pas prêts 3
être cultivés, les hommes, dont on ne peut
guère attendre que de planter pour leurs pe-
tits-enfans, laiflent la Nature opérer feule pour
Tes générations futures. Et ils lé peuvent fans
conféquence; car feule elle y pourvoit. Ces
Talus des To'rrens fe fixeront comme les autres;
& nous en voyons déjà -beaucoup, qui font arrivés
au point de nous lqifier jouir. Mais ils
n’ont presque aucun repos tandis qu’ils fe forment
: à chaque pluie abondante, & furtout à
chaque fonte de neige au Printems, iis reçoivent
une nouvelle couche de moellon; & elle
arrive avec un tel fracas, qu’elfe emporterait,
çn un moment tout ce qu’on voudroit appofen
à fes ravages.