
Terre ; & qu’ il faut conftater par des faits bien
•nombreux &■ bien clairs, pour diifiper tous les
doutes. .
Lorsque nous entrâmes mon frère & moi,
fort jeunes encore,.. dans la carrière dè l’Hiftoir
•re Naturelle , : nous abordâmes les. Montagnes
avec cette idée alors généralement reçue par
ceux qui avoient commencé, à y reconnoîtrq
J'ouvragc de là Mer, que cet élément y avoit
•tout fait. Plufieurs expériences, que nous fîmes
enfuite. de la difficulté de, reconnoître les
■corps marins dans certaines pierres, à caufe
de leur intime liaifon avec elles, nous laiiïèrent
longtems prévenus., comme Mr. d e B u f p o n ,
que c’étoit manque de favoir chercher, qu’oç
ne trouvoit pas des, coquilles dans toutes les
Montagnes. Puis venant à confidérer que tous
les fonds de Mers ne nourriflént pas de ces
animaux, nous penfâmes que toutes des Montagnes
non plus ne dévoient pas en renfermer.
Cependant il falloit entaflèr hypothèfe fur
-hypothèfe, pour expliquer, outre cette abfence
de coquillages, vingt autres phénomènes qui refu-
. foient defe ranger dans la clafle des ouvrages de
-Kea» ;*.& quand on n’eftpas trop facile à fe con-
: tenter, ce befoin continuel de nouvelles hypo-
, thèfes. fatigue à la fin. C’çfî ce que nous épro.uvâmes
mon frère & moi, & pre'cifément
dans le même tems, quôique nous nous trou- ■
vaflions féparés.
Il avoit traverfé les Montagnes de Guada-
rama en Caftille & les Pyrénées ; j’avois vu
PApennin', nous avions parcouru enfemble les
Alpes, en luttant toujours contre l’ évidence.
Mais enfin, lui' voyageant dans P Apennin, &
moi de nouveau dans les Alpes , nous vipmes
féparément à douter que toutes les Montagnes
enflent été formés, par les eaux; & les Lettre^
ofi nous npus communiquions ce doute fe çroi?
feront,. •
Il ne fallut .pas moins que cette fingulière
conformité pour nous donner mutuellement le
coürage de nous expliquer plus ouvertement.
Chacun de nous n’ avoit d’abord parlé à l’autre,
de fon opinion, qu’avec beaucoup de réferve,
comme deux confpirateurs qui fe feroient la
première ouverture d’un complot. Quoi! conr
ipirer .contre les angles faillans & rentrans alternativement
oppofés ? Contre l’opinion univer-
verfelle que toutes les Montagnes étoient faites
par couches & renfermoient des coquillages? Il
falloit quelque circonftance frappante pour fe
dépouiller de ce préjugé, & c’en, fut une que'
d’avoir-, eu féparément la même Id é e , dans des