
Jusqu’ici cependant Teltiamed peut avoir été
féduit par quelques apparences. Entraîné par
le deiir de trouver des preuves de fon opinion,
il a ajouté foi à tous les contes qu’ il a lus
ou qui lui ont été faits; & ce n’eft pas le feul
exemple que nous ayons de la crédulité de
ceux* qui accufent le plus le vulgaire d’être
xrédule, ni de la mauvaife logique de ceux
qui croyent être feuls capables de raifonner.
Mais on a peine à croire qu’ il n’y ait que de la
crédulité & de la mauvaife logique dans ce que
V . M. va lire.
Après avoir fait mention d’un homme marin
auquel on crut voir une queue de poiffon, &
conteftant cette apparence, il donne pour
preuve de l’ illufion que fait à cet égard un
homme vu nageant, „ celui qu’on prit, dit-il,
„ (a ) à Seftri de Levant, dans l’Etat de Gènes,
„ qui paroiffoit auifi à la Mer être terminé en
f ï poiffon & fe trouva cependant un homme
, , d e vla forme ordinaire Cet homme,
un fufeau dan* les mains. Je n’aurai pas befoin de
dire que ces Meflkurs regardent l'origine prétendue de
cette femme comme une opinion populaire; accréditée
par un Moine nommé G e r b r a n ï s e , qui a ’écrit la
Chronique de Hollande vers la fin du i jn w fiède.
(a) Tora. I I . pàg, 184*
„ a jo u t e - t - i l, fut pris èn 1682. & fut vu de
„ tout le Peuple de cette petite Ville. Il
„ reffembloit en tout à celui de la Martinique,
„ excepté qu’ aulieu de cheveux & de barbe, il
, avoit une efpèce de calote mouffeufe élevée
„ d’un pouce, & au menton un peu de moufle
„ fort courte. On le plaçoit pendant le jour
„ fur une chaife, où il fe tendit aiïïs fort
„ tranquillement pendant quelque tems ; ce qui
„ prouve que fon corps étoit flexible, & qu’ il
, avoit des jointures, au lieu que les poifionS'
„ n’ en ont point. Il vécut ainfi quelques
„ jo u r s , fans vouloir rien prendre, pleurant
„ & jettant des cris lamentables. J’appris ce
„ détail vingt cinq ans après en paflant à Sesr
„ t r i , où je trouvai la Connétable Colonne,
„ Dame d’efprit & très curieiife, q u i, comme
„ moi s'informoit de ces particularités. ”
Ce n’ eft plus là un de ces faits paifés en mer
à la vue de quelques matelots, qui peuvent
être aifément trompés dans une courte oblerva-
tion; ou à celle de grands Peuples, chez qui
les erreurs peuvent d’autant plus aifément s’ accréditer
, que bientôt la fource eft cachée & la
vérification difficile. Ce n’eft pas non plus fur
les informations d’autrui que Mr. d e M a i l l
e t juge; c’ eft fur les Tiennes propres. Ceci