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L E T TR E XXXIX.
Jjes Montagnes primordiales exijioient fous
les eaux de la Mer, tandis que les
Montagnes fedondaires s'y
formaient,
E a v s a n n e , le 12 Mars 1775,
m a d a m e
L r e fait que j’ai annoncé à V o t r e M a j
e s t é en finiffant ma dernière Lettre , eft un
des plus inte'reflàns dans l’Hiftoire de la Terre ;
car il importe de favoir, dans quel ordre
ont exifte' les parties d’après lesquelles nous
cherchons à connoître cette Hiftoire. Ce fa i t ,
favoir que les Montagnes -primordiales exiftoient
au fond de la Mer ancienne, tandis que les
Montagnes fecondaires s’ y formoient, fe trouve
déjà prouvé par leur entrelacement, & parce
que celles-ci repofent fouvent ihr les premières.
Je vais maintenant en donner à V. M.
des preuves d’ un genre différent.
La première eft un phénomène qui frappe
les yeux de toute part; c’eft la prodigieufe
quantité de fragmens roulés des matières appartenantes
aux Montagnes primordiales, qu'on
trouve répandues partout-, ou par grands blocs,
o ù comme gravier. Ces matières font très connois-
fables ;c'eft du Granit, de la Serpentine, du Jaspe,
de la Roche grife &c. Elles n’ont aucun rapport:
avec des concrétions particulières, & l’on re-
connoît au contraire à des fignes infaillibles,
qu’elles ont appartenu à de plus grandes mas-
fes. On trouve auift quelquefois parmi ces
pierres éparfes , le cryftal de roche, cet accident
caraétériftique des Montagnes primordiales, &
qui paroît ainfi avoir exifté dans leur fein dès
le tems où ces déhris ont été disperfés.
On iie peut fans doute attribuer à l’ aètion de 1
la Mer feule cette dégradation des Montagnes
primordiales s car on en trouve des blocs
prodigieux à des diftancës trop grandes
de leur origine, & furtout à de trop grandes
hauteurs fur les Montagnes fecondaires, pour
n’être pas obligé de recourir à quelque caufe