
Shakra, et envoie un de ses embranchements vers Oney-
zah.
Un seul chemin mène de Riad aux districts du nord, c’est
celui par lequel nous étions arrivés. Il se divise à Zulphah, une
de ses ramifications pénètre dans le Kàsim, une autre dans le
Djebel-Shomer, une troisième enfin conduit à Zobeyr. A l’est de
Riad, une seule route est praticable, nous la suivrons bientôt.
Le Nedjed proprement dit se relie donc aux pays voisins et aux
provinces des côtes par quatre voies de communication qui correspondent
aux points cardinaux et traversent toute une partie
du désert. Le chemin que nous avions pris pour venir à Riad est
précisément le plus long, le plus difficile,' le moins fréquenté,
par conséquent le plus instructif et le plus sûr pour un
Européen.
Au midi de la Wadi Dowasir, à l’est du Nedjran, s’étend le
grand désert qui borne aussi l’Yémamah et l’Harik, forme, entre
le plateau central et l’Oman, une infranchissable barrière à
laquelle on pourrait appliquer les admirables stances que la
mer inspire à Byron dans le poëme de Child-Harold.
Au résumé, le Nedjed forme un état homogène, fermement
administré, dans lequel la centralisation joue un grand rôle,
dont l’arbitraire e t le fanatisme sont le principal ressort. En
l’absence de toute constitution, le bon plaisir du sultan ou de
ses ministres est la seule loi du royaume ; il ne connaît d’autres
entraves que la nécessité des circonstances ou les prescriptions
du Coran. L’atmosphère wahabite est un pur despotisme moral,
intellectuel, religieux et physique. Ce pays est susceptible d’extension
territoriale, et par là même dangereux pour les nations
voisines dont il a déjà englouti quelques-unes, présageant ainsi
le sort réservé aux autres, si une intervention puissante ne met
obstacle à ses envahissements. Incapable d’un sérieux développement
intérieur, hostile au commerce, défavorable aux arts et
à l’agriculture, intolérant et agressif au plus haut degré, il ne
saurait exercer une action bienfaisante ni sur lui-même, ni sur
autrui. A la vérité, il apporte quelquefois l’ordre et le calme aux
provinces conquises, mais c’est une morne tranquillité qui rappelle
les paroles de Tacite : Ubi solüudinem faciunt pacem appel-
lant. Les rivalités de famille, les guerres de succession, jointes à
la réaction anti-wahabite qui recrute en Arabie de nombreux
partisans, peuvent un jour affaiblir et morceler l’empire ned-
jéen, elles seront insuffisantes pour le détruire. Ibrahim-Pacha
avait compris quel moyen il fallait employer pour délivrer la
Péninsule, et les contrées voisines d’un fanatisme tyrannique; il
commença l’oeuvre que son génie avait conçue, mais le caprice
et la folie de ses successeurs la laissèrent inachevée. Tant que le
wahabisme régnera sur les plateaux de l’Arabie, on ne doit
guère s’attendre à voir la civilisation, la prospérité nationale y
faire quelque progrès.
Pour compléter cette vue d’ensemble, je joins ici un tableau
statistique dont les éléments m’ont été fournis en partie parles
registres de l’État, en partie par les habitants des districts que
j’ai parcourus. Il contient la liste, le nombre des provinces, des
principales villes ou des grands villages, l’estimation approximative
de la population, le chiffre des contingents militaires. Un
second tableau renferme des indications analogues au sujet des
Bédouins répandus sur le territoire wahabite.
Pro v in c e s. Villes
o u v illag es .
P o p u la tio n . Co n tin g en t
m ilita ir e .
H Ared.................... 15 110000 6000
II. Yémmamah. 32 140000 4500
III. Harik................... 16 45000 3000
ü Aflad j ................... 12 14000 1200
V. Wadi Dowasir... 50 100000 . 4000
VI. Seleyel........... 14 30000 1400
VII. Woshem............. 20 80000 4000
VIII. Sedeyr................ 25 140000 . 5200
•IX. Kasim................. 60 300000 11000
X. Hasa................... 50 160000 7000
XI. Katif................... 22 100000 n
Total . . . . . . . 316 1219000 ■ 47300
Deux remarques sont ici nécessaires. D’abord, nous avons pu
observer une disproportion notable entre le nombre des habitants
et celui des villages. Ce fait s’explique par l’inégalité de
grandeur et d’importance que prennent les différents bourgs,
selon les conditions politiques de la province à laquelle ils appartiennent.
Ainsi, dans la Wadi Dowasir, qui ne renferme aucune
ville considérable, la quantité des centres de population égale
presque celle du Kasim, où cependant la fertilité du sol, le développement
considérable qu’ont acquis de grandes cités, telles
qu’Oneyzah, Bereydah, Henakyab, Rass,- fait monter le nom