
provisions complétait le logis, mais nos prédécesseurs en avaient
gardé la clef.
Le quartier où nous allons nous établir avait le double avantage
d’être situé près de la place du Marché et de ne renfermer
aucun zélateur ni aucun membre de la famille d’Abdel-Wahaèv
II1 passait pour le moins dévot de la ville; ses habitants!représentaient,
si je puis m’exprimer ainsi, le parti libéral du Nedjed,
Enfin notre demeure était voisine de celle du Naïb, et les petites*
ruses de l’envoyé persan, son caractère communicatif,, la manière
dont il estropiait l’arabe, rendaient sa société parfois in>-
struetive-, toujours amusante. Bref, nous remerciâmes chaudement
Abou -Eysa du choix qu’il avait fait, et l’heureuse1 conclusion
de cette affaire nous parut d’un bon augure pour notre séjour
à Riad.
La farine,, le riz, la viande-,• le café; devaient nous être régulièrement
envoyés; du palais, car Feysul continuait à nous regarder
comme ses hôtes1. Maïs l’étal de notre bourse nous permettant
de ne pas recourir à la libéralité royale, nous voulûmes*
sauvegarder notre indépendance. Nous nous bornâmes donc à
demander le café, qui était excellent, et nous laissâmes, aux
pourvoyeurs du château la plupart des autres provisions. Abou-
Eysa, qui passait chez nous-la plus grande partie de ses heures
de loisir, nous avait apporté; des cafetières et plusieurs ustensiles
de1 ménage ; un mortier, semblable de tous* points à celui
qu’Habhash avait dérobé avant notre départ de Bereydah, ornait
le coin du fourneau ; notre premier soin en arrivant dans l’Ared
avait été de nous le procurer pour en faire- présent ara guide.
Nous étions tous trois d’intrépides buveurs de café J de plus,
nous nous étions imposé le devoir d'offrir à chacun de ceux qui
venaient nous visiter une tasse de l'aromatique liqueur ; en
sorte que du matin au soir les coupes étaient pleines et le feu
allumé.
J'e prie le lecteur do me permettre ici une courte digression.
Devenu, par suite d’un long séjour dans le Levant, à demi orientai,
je ne puis voir d’un oeil indifférent l'ignorance profonde des
Européens au sujet du'breuvage arabe; de plus, en ma qualité-
de docteur, je dois signaler l'inconvénient qui résulte pour
le système nerveux et la membrane muqueuse du système de
préparation usité au delà du Bosphore.
Et d’aliord, il ne faut pas oublier qu’il existe- des variétés fort
différentes de- café-, qui toutes n’ont pas droit aux mêmes éloges.
Le meilleur café-, quoi qu’en disent les gens pointilleux, est eeM
de. l’Yémen, connu dans le commerce sous- le nom de Moka,
parce que la ville. de ee nom est le principal port d’où il est exporté.
J e serais- au désespoir de-m’exposer à être accusé de diffamation
par un épicier en gros ou en détail; mais si une particule
négative y était intercalée, les innombrables étiquettes; qui dans
les boutiques de Londres portent le nom du port de- la mer Rouge
seraient beaucoup pins vraies. La quantité des fèves de moka ou
de l’Yémem que l’on expédie à- l’ouest de Con-stantinople est tout
à fait insignifiante. L’Arabie, la Syrie et l’Egypte consomment au
moins les deux tiers de la récolte ; le reste est absorbé- par les
estomacs turcs et arméniens,, auxquels on ne réserve certes- pas
la part la. meilleure.-. Avant d’arriver aux po-rtls d’Alexandri-ey
de Jaffa ou de Beyrouth, d’où elles sont expédiées plus- loin, l-es
halles de moka ont été examinées- grain à grain, et des- doigts expérimentés
en ont retiré soigneusement tout, ce qu’elles renfermaient
de fèves à demi transparentes et d’un brun- verdâtre; lés
seules qui donnent une-liqueur véritablement saine-et agréable.
Ce système est si régulièrement appliqué qu’un observateur
attentif remarquerait sans peine les altérations continues- du
café depuis- son point de départ jusqu’à* son arrivée-en Europe.
Même dans 1. Arabie, 1a- qualité- est fort différente- selon qu'on
s’éloigne; ou qu’on se rapproche de l’Yémen. È m’est arrivé
nombre de fois d’être témoin oculaire dto triage auquel la fève
arabe; est soumise, et je puis affirmer que l’on procède à cette
opération' aveu Fattention scrupuleuse- des- chercheurs dé- diamant,
quand ils examinent le sable qui renferme lés précieuses
pierres,
Niebuhr dans son ouvrage- sur l’Arabie explique suffisamment
tous les détails* re-latifs à1 lia culture de lia- plante, à- lia- récolte- des
fruits, à leur conservation. Cet auteur, qui joint la véracité d’un
Anglais-au jugement sûr d’un Allemand, me-paraît le modèle-de
tous les explorateurs modernes pour l’exactitude descriptive,
1 observation fine et minutieuse. Toutes les fois que j ’ai1 parcouru
des provinces visitées- déjà par le: savant voyageur, j’ai- admiré
combien il a peint fidèlement les lï-eux, les races, les coutumes
e es institutions-; son livre forme un contraste frappant avec