
prélevait à Mascate cinq pour cent sur les marchandises appartenant
à des chrétiens, six sur les cargaisons des navires turcs.
Les choses se passaient peut-être de la sorte il y a cent vingt
ans; dans tous les cas, elles ont aujourd’hui bien changé. Je
puis ici parler en pleine connaissance de cause, car, depuis mon
départ de Menamah jusqu a l’époque de mon naufrage, j ’ai
abordé dans une dizaine de ports différents. Toutes les douanes
établies sur les côtes des Bahraïn et de l’Oman, c’est-à-dire celles
de Menamah, Moharrek, Bedaa, Wekrah, Lindja, Bander-Abbas,
Abou-Debi, Dobey, Shardjah, etc., exigent un réal (six francs
cinquante centimes), pour chaque ballot de marchandises pesant
une soixantaine de livres, quel qu’en soit le contenu. Cette méthode
a l’avantage d’abréger considérablement le travail des
douaniers, mais il en résulte que les droits ne sont nullement
proportionnés à la valeur des objets ; ils s’élèvent, par exemple,
à quatorze ou quinze pour cent sur les dattes, tandis qu’ils sont
à peine d’un pour cent sur les étoffes. La taxe pèse sur les
importations seulement, car le gouvernement omanite ne perçoit
rien sur les exportations, ce qui est un système assez sage,
du moins en Orient. Après avoir attentivement observé le nombre
des navires qui abordaient dans les ports où je fis un séjour
assez prolongé pour me livrer à ce calcul, je conclus que les
arrivées doivent, en moyenne, atteindre le chiffre de six par
jour; elles restent au-dessous dans certaines localités peu importantes;
mais elles le dépassent considérablement dans les
grandes villes, telles que Lindja, Sohar, Matrah et Mascate.
Enfin, les cargaisons peuvent être évaluées, l’une dans l’autre,
à soixante balles de marchandises. Si nous multiplions ces différents
nombres, nous trouverons, en supposant l’année de trois
cents jours seulement, que les importations rapportent à l’État
vingt millions deux cent cinquante mille francs.
Les taxes territoriales sont moins élevées d’un tiers dans l’Oman
que dans les provinces wahabites, et je n’ai jamais entendu
parler d’impôts additionnels pour frais de guerre ou pour tout
autre motif de ce genre. Il faut considérer aussi que la population
est beaucoup plus dense qu’au Nedjed, que le terrain est
plus fertile, ce qui augmente la richesse locale. En tenant
compte de ces différentes circonstances, j ’évaluai les contributions
territoriales de l’Oman au double de celles qui sont versées
dans le trésor de Riad, c’est-à-dire à cinq millions de francs
environ. Ces impôts ne frappent pas directement le sol ; ils sont
prélevés sur les céréales, les fruits, le bétail, les métaux, etc.
Enfin, Thoweyni et les princes de sa famiile se sont réservé
le monopole de 1 ambre et l’exploitation des mines du royaume.
Mais je n’ai pu recueillir sur ce point de renseignements précis;
on croit généralement que ces divers revenus se montent, chaque
année, à deux cent mille réaux ou treize cent mille francs.
Les sommes considérables que rapporte à l’État le commerce
des esclaves ont été comprises dans les revenus douaniers ; chaque
nègre amené dans le royaume paye une taxe de deux réaux.
Quoique la crainte d’une intervention étrangère puisse parfois
obliger les capitaines des navires arabes à cacher les noirs sous
les écoutilles, je n’ai nulle part entendu dire qu ils aient recours
à ces coupables mesures pour débarquer en contrebande leur
cargaison vivante dans les ports de l’Oman.
Les différentes sommes que nous venons de spécifier forment
un total de vingt-six millions huit cent mille francs, ce qui est
un revenu considérable pour un royaume arabe. Le peuple
omamle n’est cependant pas accablé d’impôts, et, si les gouvernements
sont institués en- vue du bien-être et de la prospérité
des nations, on doit féliciter le sultan d’avoir des ressources qui
suffisent aux besoins du pays, sans être réduit à entraver par
des taxes excessives l’agriculture, l’industrie ou le commerce.
E m'a été impossible d’obtenir aucune information précise sur
le contingent que les possessions africaines versent dans le trésor
de Thoweyni. On parle de richesses fabuleuses, d’ivoire, de
mines d or et d’argent, mais ces vagues rapports ne sauraient
servir de base à un calcul statistique.
Le lecteur sera peut-être curieux de savoir quelles sont les
dépenses annuelles qui absorbent les revenus de l’État. En voici
le relevé sommaire : 1» L’entretien des nombreuses forteresses
de la côte, et la solde des Béloutchis qui forment la garnison;
2° la garde royale, composée de la cavalerie que nous avons déjà
décrite et d’un petit corps de fantassins; 3» les frais de douane,
de police, de perception d’impôts; 4- la marine, dont le budget
dépasse à lui seul celui de tous les autres services; 5° le traitement
des ministres, la liste civile des membres de la f am i l l e
royale. Enfin, s’il faut en croire la rumeur publique, Thoweyni