
villes au nom de Dieu, et se livra sans scrupule à ses instincts
féroces. Fadjirah, Shinaz, Soham, d’autres villes maritimes d’une
moindre importance, furent impitoyablement saccagées. Khalid
s avança de la sorte jusqu’à Soweyk, où il trouva les habitants
réunis pour arrêter ses progrès. Il remporta sur eux une complète
victoire, et le Batinah entier fut livré à sa merci ou plutôt
à sa rapace cruauté.
Pendant ce temps Abdallah, suivi d’une armée nombreuse,
avait atteint Bereymah, ville située au pied du Djebel Okdah.
L héritier de Feysul était parvenu au coeur de l’Oman, mais il
ne crut pas devoir exposer sa personne sacrée dans les dangereux
défilés des montagnes ; il demeura prudemment en arrière,
tandis qu il envoyait un fort détachement de troupes reconnaître
le pays.
L’expédition, comme toutes les guerres wahabites, était entreprise
au nom d’Allah, et dirigée contre les ennemis de la religion.
Pendant mon séjour dans l’flasa, j ’ai entendu réciter des vers
composés à cette occasion par un guerrier nedjéen, et dans lesquels
le poète met à chaque ligne l’orthodoxie de §es compatriotes
en opposition avec l’infidélité des .Omanites. Cependant
le choix qu’avait fait Abdallah de Zamil-el-Atyah (le même <jui
plus tard défendit avec tant de courage les libertés du Kasim),
pour commander à sa place le corps expéditionnaire, tempéra
un peu le zèle des fanatiques, émoussa le glaive de l’Islam. Les
talents militaires du jeune chef, la popularité dont il jouissait à
Oneyzah, et même dans le. Nedjed, avaient engagé le fils de
Feysul à lui confier ce poste important. Mais au fond du coeur,
Zami ^méprisait les doctrines wahabites, et il éprouvait une vive
sympathie pour ceux qu’il allait combattre; aussi s'efiforçait-il
d amener un arrangement pacifique afin d’épargner à l’Oman les
horreurs du pillage. Il donnait en toute occasion l’exemple de, la
tolérance, et cherchait à endormir chez ses compagnons
d’armes les passions haineuses. Chaque soir, il réunissait sous
sa tente les officiers et les chefs, tenait conseil avec eux, puis,
au lieu de terminer la séance par la lecture du Coran, il se
délassait des fatigues du jour en se livrant à d’agréables distractions;
plus d’une fois même la danse et le vin égayèrent l’austérité
du camp wahabite. La conduite de Zamil eut le résultat
qu’il attendait. Les soldats commençèrent à regarder les habitants
d’un oeil moins hostile, le sang ne fut pas répandu et la
paix ne tarda pas à se conclure. Abdallah comprit le stratagème
employé par son lieutenant pour déjouer les plans ambitieux du
Nedjed, il en ressentit une colère violente, mais il se garda bien
de la laisser éclater dans un moment où l’armée presque entière
se serait prononcée contre lui en faveur de Zamil. Dès ce moment
néanmoins, la perte du jeune chef fut résolue, et la cour
wahabite n’attendit plus qu’une occasion favorable pour faire
tomber sa tête. •
Les troupes avaient envahi sans coup férir la vallée d’Obri ;
elles arrivèrent bientôt près de Mokhanneth, gros village situé
derrière la chaîne de l’Aklidar, à l’endroit où la route se divisant,
prend d’un côté la direction de Nezwah, de l’autre, celle
de Bahilah. Les défilés presque inaccessibles de l’Akhdar étaient
gardés par des montagnards résolus à en'vendre chèrement le
passage. Mais Zamil avait suivi une conduite bien différente de
celle de Khalid; partout, sur sa route, il avait garanti aux
habitants la paix et la sécurité, à la seule condition de reconnaître
la souveraineté de Thoweyni; il traitait les villageois en
alliés, réprimait avec soin la licence de ses soldats. Les Omanites,
gagnés par sa douceur et sa bienveillance, firent aux Nedjéens
un accueil hospitalier ; les chefs Yaribah s’avancèrent à la rencontre
de Zamil, afin de discuter avec lui des conditions de
la paix. Tous déclarèrent qu’ils, se soumettraient volontiers à
Thoweyni, si le sultan promettait de respecter leurs libertés ;
l’intervention étrangère demeurait donc désormais sans but, et
ils laissèrent entendre à Zamil qu’il serait plus' sage de ne pas
engager l’armée dans les défilés des montagnes, où elle périrait
infailliblement.
A mesure que l’influence guerrière de Mars faiblissait, la douce
action de Yénus devenait plus puissante. Les yeux noirs, les
tailles élancées, les manières engageantes des belles de l’Oman
triomphèrent des dispositions belliqueuses des Nedjéens, plus
sûrement encore que l’audacé des braves et l’adresse des diplomates.
Zamil lui-même devint la conquête d’une aimab'e patriote,
qui plaçait l’amour de son pays au dessus des considérations
étroites d’une vertu vulgaire; un grand nombre de ses
soldats furent vaincuspar un charme semblable,, et les chaînes
d’Hymen s’ajoutant aux noeuds fragiles de Cupidon, plus d’un