
tabac, qui jadis donnait lieu à d’importantes transactions, a été
proscrit par les sectaires wahabiles et n’offense plus la vue des
orthodoxes; cette marchandise est pourtant l’objet d’un commerce
clandestin, et d’après le principe si éminemment vrai
que « l’eau volée est douce », les approvisionnements en sont
considérables et 1rs acheteurs nombreux. En dépit des influences
délétères de la tyrannie et du fanatisme, il règne une grande
activité au milieu de la population intelligente et industrieuse
d’flofhouf.
Le Rifeyah ou quartier de la noblesse couvre une superficie
considérable, et renferme d’assez jolies habitations. L’élégance
comparative de l’architecture à Hofhouf est due à l’emploi de
l’arceau qui reparaît ici et donne aux constructions de cette province
une légèreté inconnue dans les lourds édifices du Nedjed
et du Shomer. Une autre amélioration, c’est que les murs, formés
de brique ou de pierre, souvent même de ces matériaux
mêlés ensemble, sont en général revêtus d’un beau plâtre blanc,
qui rappelle le « chunarn » de l’Inde méridionale. Les moulures
des portes et des fenêtres produisent quelquefois un effet assez
gracieux. Les rues, larges et très-propres, sont beaucoup mieux
tenues que celles de Damas et même de Beyrouth. Enfin le
Rifeyah jouit d’un air très-salubre. Construit, comme son nom
l ’indique, sur un terrain élevé, il reçoit la brise de la mer, dont
le souffle vivifiant arrive jusqu’ici.
Le Naathar, le plus étendu des trois quartiers, occupe au
moins la moitié de la ville ; on y trouve tous les genres d’habitations,
depuis le splendide palais jusqu’à la misérable cabane.
Là s’élève la grande mosquée construite depuis peu par les ordres
deFeysul; les arcades moresques, les portiques légers, les
murailles blanches et unies de cet édifice le rendent infiniment
supérieur à la Djamia froide et nue de la capitale nedjéenne. Le
wahabisme compte cependant peu de sectateurs dans le Naathar;
la population se compose en grande partie d’ouvriers et de
marchands; on y rencontre aussi beaucoup d’étrangers venus
de la Perse, de l’Oman, des îlesBahraïn, ou de l’Harik. L’infortuné
voyageur qui, sous le costume d’un derviche, pénétra dans
le Nedjed et fut mis à mort sous les murs de Dereyah, occupa
pendant quelques semaines une maison de ce quartier. Abou-
Eysa me la montra plus d’une fois. Le malheureux se trahissait
déjà lui-même par lé choix de son habitation, car un véritable
derviche n’a d’autre demeure que la mosquée :
Je suis étranger, mais je ne veux devenir l’hôte de personne;
Je suis étranger, mais je ne passerai pas une nuit sous le toit d’une
maison ;
Je suis étranger, je n’ai ni famille ni enfants,
Et cependant je ne franchirai pas le seuil de la demeure d’un homme.
L’étroite Mesdjid, voilà le lieu de mon repos,
L’habitation que mon coeur a choisie, son partage pour toujours.
Dans le Naathar, plus souvent que dans les deux autres quartiers
de la ville, les maisons sont égayées par de petits jardins,
et des arbres, ordinairement des figuiers et des citronniers,
étendent sur le.s rues leur ombre bienfaisante.
Les fortifications d’Hofhouf étaient autrefois imposantes; ce
ne sont plus aujourd’hui que des ruines, au milieu desquelles
s’élèvent çà et là des tours démantelées, des escaliers qui ne
conduisent à rien. Elles sont environnées d’un fossé plein d’eau
du côté du Naathar, complètement à sec près du Rifeyah où les
conduits qui amenaient l’eau des puits ont été obstrués, soit à
dessein, soit par négligence ; au delà des remparts, les jardins et
les plantations s’étendent à perte de vue dans la direction du
nord et de l’est; du côté du sud et de l’ouest, ils occupent un
espace beaucoup moins considérable. Près de la porte méridionale
s’élève le fort solitaire que nous avions aperçu lors de
notre arrivée. Il est petit, mais disposé de manière à tenir en
échec les assaillants qui viendraient du sud et de l’ouest; on
l’appelle Khoteym, c’est-à-dire » frein, » nom qui indique suffisamment
le but que se proposaient ceux qui l’ont construit;
les chefs de l’Hasa le bâtirent en effet vers la fin du dernier
siècle pour réprimer les audacieuses incursions des Wahabites
qui, franchissant les défilés de Ghoweyr, avaient plus d’une fois
menacé Hofhouf. Hélas! le frein se trouva trop faible, et le château
fort, maintenant démantelé, n’est plus qu’une page de
l’ancienne histoire du pays.
Une tour d’observation s’élève à peu de distance. Elle est construite
en briques séchées au soleil, et qui, durcies par le temps,
ont pris l’apparence de la pierre. Depuis soixante-dix ou quatre-
vingts ans, les murailles dépourvues de toiture bravent les
pluies d’hiver et les vents impétueux du printemps, sans per