
Bonnes sont tes nouvelles; arrière les vêtements de deuil;
Je sais que ta venue est pleine de promesses, et je prendrai sur
moi le fardeau qui peut t’accabler.
Dans l’exquise pièce de vers d’où elles sont extraites, ces paroles
ont un sens ascétique et trahissent une inspiration chrétienne.
En les reproduisant, le maître de la maison avait voulu
témoigner de ses sentiments hospitaliers et de ses dispositions
amicales. Gomme toutes les inscriptions indigènes, elles sontsim-
plement peintes au lieu d’être sculptées. Dans la chambre était
assis le vieux Ibrahim, père de notre ami et chef de la famille ;
un autre de ses fils se tenait près de lui ; des livres de théologie
et de jurisprudence, des chapitres du Coran, de l’encre, des papiers
épars au milieu du divan, ou placés dans des niches triangulaires,
trahissaient une retraite de science et d’étude.
Au mot de capitale, on rattache l’idée de manières plus polies
et d’une élégance de vie plus grande que partout ailleurs. Riad
n’échappe pas à cette règle, et la sévérité wahabite ne l'empêche
pas de subir l’influence irrésistible d’une cour. Nous reçûmes
d’Ibrahim et de sa famille un salut plein de courtoisie, un accueil
des plus flatteurs. L’un des enfants apporta aussitôt une
corbeille de dattes excellentes, en signe de bienveillance et d’estime.
Quand le dîner fut servi, le maître de la maison me fit des
excuses pour la simplicité du repas. »Yousnous traiteriez mieux
à Damas, dit-il, si nous étions vos hôtes, mais le Nedjed est
pauvre, et ce sont les ressources, non la bonne volonté qui nous
manquent. » Le menu comprenait, entre autres délicatesses, un
plat dont la vue me causa autant de surprise que de plaisir,
parce qu’il annonçait le voisinage de la côte orientale. Cependant
le lecteur, quand même il serait habitant du Norfolk, ne
devinerait peut-être pas en une heure quelle était cette friandise
de bon augure; car il ne penserait pas tout d’abord, je crois, à
des crevettes. Le Syrien, mon compagnon, qui n’en avait jamais
vu auparavant, ne savait que faire; pour moi, je saluai avec joie
le mets favori que j’avais bien des fois goûté plus frais et mieux
préparé sur les bords riants de l’Yare. J’appris, dans le courant
de la conversation, que ces crustacés proviennent de l’Hasa, où ils
sont' régulièrement apportés des îles Bahraïn. Il n’est aucune
des autres productions maritimes qui-soit envoyée aussi loin,
peut-être parce que les habitants sont peu versés dans l’art
de les conserver.
Après le dîner, on nous apporta, pour nous laver les mains,
de l’eau et de la potasse (en arabe cali, d’où vient notre mot alcali),
substance qui, dans le Nedjed, tient lieu de savon ; puis
vint la cérémonie des fumigations. Ge n’est pas que l’opération
fût nouvelle pour nous. Au Djebel Shomer, on y a quelquefois
recours, dans le Sedeyr même elle est d’un usage journalier;
mais j ’ai omis d’en parler jusqu’à présent, et peut-être la description
en sera-t-elle bien placée ici. Dans le pays orthodoxe
d’Ared, le soin de se parfumer prend en quelque sorte un caractère
religieux, car le Prophète, en proclamant d une manière
explicite son goût pour les odeurs suaves, qui ne le cédait en
rien à sa passion pour les femmes, á légué un exemple que ses
sectateurs zélés n’ont pas manqué de suivre. Aussi, à la fin de
chaque repas, ou même après une tasse de café offerte pendant
une visite, on voit paraître une cassolette carrée, fermée par un
grillage en filigrane, et qui porte à sa base une sorte de tige ou
de poignée, assez longue pour que l’on puisse la tenir sans se
brûler les doigts ; l’appareil est en argile durcie au feu, et sa
forme a beaucoup de rapports avec celle d’une énorme fleur à
quatre pétales. On remplit de charbon la partie supérieure de
la boîte, et l’on jette par-dessus, soit du baume de benjoin, soit
trois ou quatre petits morceaux de bois de senteur pareil à celui
que nous avions offert aux ministres; bientôt une épaisse et
suave fumée s’exhale de la cassolette comme d’un encensoir!
Chacun des assistants prend alors à son tour l’appareil embrasé
et le passe sous sa barbe qui, dans le Nedjed, est en général
fort négligée, puis il l’approche de son turban, afin d’y introduire
l’odorante vapeur, au risque de se brûler les oreilles s’il
est novice, comme je l’étais moi-même ; enfin quelquefois le
convive ouvre aussi sa chemise afin de garder sur sa poitrine
une bouffée de la douce odeur. Ce parfum est en effet fort tenace
et subsiste très-longtemps. Je n’ai vu que rarement employer
l’encens dont on fait usage en Europe, et qui, s’il faut en croire
les Nedjéens, provient de l’Hadramaout.
Lé vieux Ibrahim, père de notre hôte, avait encore présents à
la mémoire l’invasion égyptienne et le siège de Dereyah. Il nous
raconta sur ces événements, dont il avait été témoin, un' grand