
farine, des gerbes de cannes à sucre, etc. Plus loin, on avait
réuni les ânes, les chameaux au regard stupide, et une demi-
douzaine de jeunes gens soulevaient des flots de poussière, en
faisant courir des chevaux sous prétexte de les •essayer. Les
saillies et les éclats de rire s’entre-croisaient sans interruption,
les Arabes, ce jour-là, ayant oublié leur gravité proverbiale.
Le lundi suivant, nous nous rendîmes à Mebarraz, fièrement
montés sur des ânes qui, selon l’usage de l’Hasa, portaient--.un
bât semblable à la selle de nos amazones. Le bourg, qu’on
appellerait ville, s’il était entouré d’une enceinte fortifiée, renferme
environ vingt mille habitants. Sur une éminence voisine
s’élève la forteresse, et je ne pus m’empêcher d’en admirer la
position également avantageuse pour découvrir et repousser
l’ennemi qui viendrait de la plaine, ou accabler les habitants de
Mebarraz, s’ils tentaient de se révolter. Les meurtrières de la
citadelle sont à une portée de fusil au plus du village. L’édifice,
de forme carrée, a été construit sur le modèle du Kôt d’Hofhouf,
seulement il est beaucoup moins vaste.
Je ne décrirai pas la foire, qui ressemble exactement à celle
delà capitale. Le monument le plus remarquable de Mebarraz
est la mosquée bâtie par Feysul. Dans son pieux désir d’assurer
le salut de ses sujets, le roi préleva sur ses revenus l’argent
nécessaire à l ’érection du temple, mais l’année suivante, une
contribution extradrdinaire l’indemnisa largement de sa libéralité.
La bourgade, d’un aspect fort irrégulier, renferme de
belles maisons et de misérables cabanes ; quant aux habitants,
ils diffèrent peu de ceux d’Hofhouf, si ce n’est qu’ils s’occupent
d’agriculture plutôt que de commerce. Un de nos compagnons
appelé Obeyd, qui avait un parent établi à Mebarraz, profita de
l’occasion pour nous faire inviter à dîner. La maison de notre
hôte était construite absolument comme le sont à Homs les
habitations de la classe moyenne; de petites chambres tapissées
de nattes, des fenêtres basses, une cour, un puits, et cet
air de calme et de retraite qui a sans doute frappé le lecteur,
si jamais il lui a été permis d’entrer dans la maison d’un Syrien.
L’Hasa en effet, se rapproche des provinces mixtes, quoique
l’élément arabe y domine encçre.
La route d Hofhouf à Mebarraz, longue d’environ trois milles,
se déroule au milieu de jardins et de plantations qu’arrosent
des courants d’eau tiède. De distance en distance s’élèvent des
bouquets de palmiers khalas, espèce particulière à l’Hasa, et
dont le nom signifie « quintessence. » Leur fruit transparent,
plus petit que les dattes du Kasim, est d’une riche couleur d’ambre
tirant presque sur le rouge. Ce serait folie de vouloir en
décrire l’exquise saveur; je dirai seulement que les dattes de la
Syrie et de l’Égypte n’y ressemblent nullement. L’arbre qui le
porte se reconnaît à sa tige plus élancée que celle du palmier
ordinaire, à son feuillage moins touffu, à son écorce plus unie.
L'Hasa possède encore un dattier appelé rekab qui, dans tout
autre pays, tiendrait le premier rang. Pendant mon voyage
dans la Péninsule, je comptai douze espèces différentes de dattes,
et sans doute un séjour plus prolongé m’en aurait fait découvrir
de nouvelles. Les khalas forment la principale culture de l’Hasa,
et l’une des branches les plus importantes du commerce local,
car on exporte leurs fruits jusqu’à Bombay, Mossoul et même la
côte africaine du Zanzibar.
Pour revenir de la foire, nous suivîmes une sorte de chaussée
bordée à droite et à gauche par de profonds canaux d’irrigation
qui, çà et là, forment de petits étangs. Les routes construites
aux environs de Tandjore de Vellore ou de Negapatâm peuvent
donner une idée de celles de l’Hasa. Àu milieu des plaines fertiles
qui s’étendentde Mebarraz à Hofhouf, Abou-Eysa me montra
un petit lac dont les eaux sont tellement saturées de sel, qu’elles
ont- déposé sur leurs bords une épaisse couche cristalline et
qu’à une assez grande distance, le sol environnant est complètement
dépourvu de végétation. D’autres étangs salés sont disséminés
dans la province d’une façon étrange et en apparence
arbitraire. A cent mètres environ de Mebarraz existe une abon-
danté source thermale appelée par les Arabes Sakhneh (Chaleur)
à cause de l’élévation de sa température qui atteint environ 90°
Fahrenheit. Les habitants de la bourgade s’y rendent pour se
baigner et nous nous empressâmes de mettre à profit leur
exemple.
Le lendemain, le guide nous proposa d’aller voir l’Omm-Sa-
baa (la Mère des Sept). Mes lecteurs pensënt probablement que
je vais leur présenter une respectable matrone entourée d’une
nombreuse famille. Il n’en est rien. Dans l’Hasa, où cependant le
beau sexe n’est pas emprisonné comme au Nedjed, faire visite à
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