
tendis 1 un d eux, dans un moment de -familiarité, s'écrier que
« s il fallait choisir entre les mahométans et les Anglais, il aime-
lait mieux voir le pays entre les mains des derniers ou du diable
•lui-même, que soumis aux Turcs. » Bien que la façon dont il
témoignait sa préférence pour la Grande-Bretagne n’eût rien de
flatteur, elle exprimait un s'entiment répandu dans l’Oman tout
entier. La négligence avec laquelle Thoweyni administre ses
Etats n’a pas diminué l'affection du peuple pour la famille des
Saïd, mais les neuf dixièmes des habitants aimeraient mieux
avoir pour sultan le prince Amdjed.
Au delà de Sohar, des jardins et des champs de culture s’étendent
à perte de vue jusqu’aux villages voisins. Je visitai plusieurs
de ces bourgades; l’une, nommée Mawah, renferme cinq
ou six mille âmes; la plupart des maisons néanmoins sont de
simples cabanes de feuillage, suffisantes en raison de la douceur
du climat. Le chef et quelques notables ont seuls des habitations
construites en briques. Le peuple du Batinah est en général doux
et hospitalier, un voyageur ne se sent étranger nulle part. On
parle ici le pur arabe kahtanite’; la prononciation, moins emphatique
que celle du Nedjed, est cependant plus correcte. Au-
dessus de Mawah, le pays est partout cultivé jusqu’au Djebel-,
Akhdar, dont la chaîne imposante, assez semblable à celle des
Apennins pour la forme et la hauteur, ferme l’horizon. Une
grande route conduit de Sohar à Bereymah et au Dahirah, une
autre longe la côte jusqu’à Mascate, une troisième enfin se dirige
vers le nord..
La population de Sohar n’excède pas aujourd’hui, je crois,
vingt-quatre mille âmes; un grand nombre de maisons demeurent
désertes depuis la dernière guerre, d’autres tombent
en ruines. Le commerce abandonne cette ville pour Mascate, et
la prospérité dont l’a fait jouir pendant quelques années la
présence d’Amdjed, a complètement disparu. Cependant elle
possède encore de riches négociants; peut-être l’avenir lui
rendra-t-il un jour ce que le hasard des combats vient de lui
ravir. Quoiqu’elle n’ait pas de khowr, ou port abrité, elle offre
aux vaisseaux un bon ancrage et une rade sûre que protègent au
nord et à l’ouest le promontoire de Farksah, au sud celui de
Sowarah. Pendant mon séjour à Sohar, je ne vis jamais mouiller
dans ses eaux moins de vingt navires; de plus, la côte étant renommée
pour l’excellence de ses poissons, une foule de bateaux
chargés de filets la sillonnent en tous sens. La plage sablonneuse
sur laquelle s^ébattent les enfants des matelots, les canots portés
par la marée, les pêcheurs sautant sur le rivage, ou poussant
de joyeux hourras lorsqu’ils s’éloignent du bord, d’autres errant
au milieu des vagues dans leur frêle coquille de noix, tout rappelait
à mon souvenir les côtes orientales de ma chère Angleterre.
—■ Mais combien sont différents les hommes et le climat!
Au bout de trois jours, notre capitaine vint nous avertir qu’il
allait mettre à la voile le lendemain; il avait, dès l’abord, embarqué
nos bagages, et cette circonstance nous empêcha de
rompre avec lui et de continuer notre voyage par la route de
terre, ainsi que nous en avions eu plus d’une fois l’intention.
Nous nous mîmes doné en mer le 6 mars. Un vague pressentiment
me rendait * triste comme la nuit » en faisant mes adieux
aux amis qui m’avaient âccompagné jusqu’au rivage ; le même
trouble indéfinissable agitait notre hôte Eysa, qui nous demanda
de la manière la plus pressante et avec une inquiétude
mal dissimulée, de lui écrire dès que nous serions à Mascate. Cependant
aucun danger ne semblait à craindre, le vent était favorable,
la mer calme, et le vaisseau si grand qu’il avait dû ancrer
loin de la plage, aussi nous fallut-il ramer vigoureusement pendant
une demi-heure avant de l’atteindre.