
de Beloutchis, d Arabes, d’Omanites. 11 ne faudrait pas croire
que ces deux derniers termes fussent synonymes; les Arabes du
reste de la Péninsule sont tout aussi étrangers dans l’Oman qu’un
Anglais en Irlande ou dans le Danemark. Lindja renferme aussi
beaucoup de nègres, des Syriens, des Arméniens, quelques
Égyptiens, une colonie de Juifs et un grand nombre d’habitants
de Bahraïn, qui préfèrent le gouvernement de Thoweyni à celui
d’El-Khalifah.
Yousef s’étant chargé de nous procurer à tous deux un logement,
je m’assis au pied de la tour en ruine qui domine la ville,
et je contemplai avec admiration la première scène de prospérité
sans mélange qui eût frappé mes regards depuis longues
années. Je réfléchissais aux avantages que présentent les gouvernements
qui se contentent d’assurer le bien-être et la sécurité
de leurs sujets sans intervenir dans leurs affaires. La manie
des règlements, 1 amour du monopole et de-la centralisation, le
désir qu’éprouvent souvent les chefs d’Ét-at de faire adopter leur
culte, leur système d’éducation, d’imposer leur contrôle et leur
patronage, le système protectionniste en un mot, contribue dans
beaucoup de pays de 1 Orient et de l’Occident à paralyser la vitalité
des nations, à entraver leurs progrès, parfois même à compromettre
leur existence. Le Nedjed nous a offert un remarquable
exemple de cette vérité, et l’histoire de nations plus prospères
et plus puissantes que l’Arabie pourrait au besoin nous en fournir
d autres. Chez ces peuples, au lieu de la liberté forte et active,
avec son cortège de biens, nous trouvons une armée puissante,
des impôts écrasants, une orgueilleuse capitale et des provinces
appauvries, enfin une population décroissante et démoralisée
qui s achemine lentement vers sa perte. On pourrait appliquer à
plus d’un gouvernement tombé, aussi bien qu’à beaucoup de
malades, lépitaphe suivante : Stava bene; ma per star meglio,
sto qui. Les devoirs paternels, les droits divins, l’omnipotence .
des rois sont choses fort belles en théorie ; mais il serait plus
simple et plus vrai de dire que les princes sont des magistrats
chargés du soin d’assurer à leurs administrés la tranquille jouissance
de ce que les Arabes nomment avec assez de raison « les
trois biens par excellence, » c’est-à-dire la vie, l’honneur du
foyer domestique et la propriété. L’État doit sauvegarder ces
droits sacrés de tout citoyen ; mais du moment qu’ils ne sont
pas mis en péril, laissez les individus, les corporations, les bourgades,
les villes et les comtés régler comme ils l’entendent leurs
propres affaires. <t Le fou connaît mieux sa maison que le sage
ne connaît celle de son voisin, » dit un proverbe espagnol ; et
les hommes, quand on les laisse développer librement leurs facultés,
n’en deviennent d’ordinaire que meilleurs. Si les rois,
les empereurs, les membres des. parlements ou des congrès savaient
comprendre qu’ils sont lés premiers fonctionnaires du
pays, et rien autre de plus; s’ils avaient la prudence d’aider, au
lieu d’intervenir, de coordonner, au lieu de créer, gouvernants
et gouvernés y gagneraient les uns et les aulres et y gagneraient
grandement.
Telle a presque toujours été la règle de conduite des chefs
de l’Oman, et leur politique libérale a obtenu les résultats
qu’elle méritait. Leur territoire, moins étendu de moitié que
l’empire de Feysul, renferme une population double et donne
des revenus vingt fois plus considérables. Si les pages de leur
histoire actuelle offrent rarement le récit de prouesses militaires,
si l ’on y voit peu d’hommes moissonnés avant le temps
sur le champ d’honneur, si enfin elles n’abondent pas en événements
glorieux, en combats sanglants, comme les annales des
peuples chez lesquels le pouvoir est concentré dans une seule
maip, on y trouve en échange la richesse, le bien-être, des villes
prospères, des princes aimés de leurs sujets, des sujets rendus
heureux par leurs princes. Dans le court abrégé de l’histoire de
l’Oman placé au commencement de ce chapitre, j’ai dû forcément
imiter l’auteur du livre des Juges qui résume par ces simples
paroles, souvent à peine remarquées : « le pays demeura en
paix pendant quarante ans, » des périodes beaucoup plus longues
que celles dont les faits éclatants attirent notre attention.
La vue de la vieille tour, occupée autrefois par une puissante
garnison, m’inspira encore d’autres pensées. De vastes travaux
de défense sont d’ordinaire un thermomètre d’après lequel il
est facile de mesurer la faiblesse des gouvernements qui les ont
accomplis; les fortifications trahissent la faiblesse des États,
comme les béquilles annoncent celle de l’homme. Où l’énergie
et le sentiment national manquent, les constructions de pierre
et de brique deviennent nécessaires ; la solde des armées est
souvent une preuve de l’apathie des citoyens, elle montre que le