
du pays et ne semble nullement disposé à retourner dans l’Àred,
quelques ordres qui puissent venir de Riad. Le Djebel-Okdah,
d’après les renseignements que me fournirent nos compagnons
de route, est une montagne aussi haute que le Rous-el-Djebal;
le sol qui l’entoure est léger, aussi la végétation y devient-elle
moins luxuriante que dans le Batinah. Au delà du Djebel-Okdah
se prolongent à l’est et au sud de longues chaînes de collines
entre lesquelles s’étend le Dahirah, district très-peuplé, bien
' qu’il renferme plus de pâturages que de terres arables. Les habitants
sont, de tous les Omanites, ceux qui montrent le moins
d’attachement pour la famille régnante: un grand nombre d’entre
eux étant sunnites, et les autres Bédouins, la religion des premiers,
les habitudes déprédatrices des seconds, leur donnent
plus de sympathie pour le Nedjed que pour le gouvernement du
biadîte Thoweyni. Aussi, pendant l’invasion wahabite, plusieurs
des clans du Dahirah firent cause commune avec les étrangers
et tournèrent leurs armes contre leurs propres compatriotes.
Les dromadaires dé Bereymah sont renommés pour leur patience
et leur agilité, les moutons rivalisent avec ceux du Nedjed.
A l’est de Mokhanneth commence un labyrinthe de gorges
rocheuses et boisées, au milieu desquelles s’élèvent les villes de
Nezwah et de Bahilah; cette dernière est une placé fortifiée;
une double enceinte de hautes murailles la protège, ses maisons
n’ont pas moins de deux à trois étages. D’après les Arabes,
Bahilah surpasse Riad en étendue, et mérite l’attention des
voyageurs.
Nos compagnons de route nous racontèrent une foule d’anecdotes
sur les Bédouins Morrah, qui fréquentent le Dahirah,
et sur Burghash, le chef actuel de Bahilah; les matelots biadites
avaient aussi beaucoup de faits curieux à nous apprendre,
quelques-uns avaient pris part aux expéditions navales de Saïd
et rappelaient leurs prouesses avec l’air des vétérans de la
Grande Armée. Nulle part le gouvernement ne compte d’aussi
fidèles sujets que dans la marine; en dépit de la terreur qu’inspirent
les frégates anglaises, le moindre matelot combattrait
jusqu’à la mort pour défendre contre les étrangers les droits du
sultan. A l’époque où Khalid ravagea le Batinah, les premiers
Omanites qui entravèrent sa marche sanglante furent les habitants
de Kalhat et de Rous-el-Djebal, marins par professior,
mais devenus soldats pour servir la cause de leur pays ; malheureusement,
leur petit nombre ne leur permettait pas de
repousser l’armée wahabite ; ils durent se contenter^de la tenir
quelque temps en échec et de lui faire payer chèrement la victoire
qu’elle finit par remporter.
Grâce à ces récits, accompagnés souvent de légendes merveilleuses,
les heures s’écoulaient rapidement; notre navire, après
avoir dépassé Soham, Soweyk et Mesnaa, atteignit Barka le
8 mars. Jusqu’alors la côte avait été uniforme, offrant partout
aux regards des palmiers, des cocotiers, des villages aux maisons
blanches et coquettes, parmi lesquelles on reconnaissait
aisément les résidences des chefs locaux. Près de Barka commence
une chaîne de rochers stériles, qui limite le rivage et.se
prolonge à best jusqu’à Mascate. Barka me parut une ville
presque aussi importante que Sohar; sa citadelle a une étendue
considérable et des fortifications très-solides, autant du moins
que j’en ai pu juger à la distance où je me trouvais. J ’ai vu rarement
une côte plus pittoresque ; près de la plage s’étalait la
luxuriante verdure du printemps, au fond, les montagnes de
l’Akhdar, hautes de six mille pieds, dessinaient leurs hardis
contours sur l’azur du ciel. Une chaîne transversale, descendant
vers le rivage, marque les limites du Batinah et de la province
de Mascate. Un frère de Thoweyni, fils de Saïd et d’une esclave
abyssinienne, habitait autrefois le château de Barka; il venait de
mourir à l’époque de mon voyage. Vers le milieu du jour, le
.vent souffla de la côte et nous poussa en pleine mer jusqu’aux
îles Sowadah, à trois lieues du rivage. Nous y restâmes plusieurs
heures, un calme de mauvais augure ayant tout à coup
succédé aux violentes rafales.
Le soir, une légère brise s’éleva du sud-ouest; le capitaine
espéra louvoyer de façon à gagner Mascate ; mais bientôt nous
fûmes assaillis. par un furieux ouragan qui rendit inutiles
toutes les manoeuvres. Une de nos voiles fut mise en pièces, on
cargua les autres en toute hâte afin de donner moins de prise
au vent impétueux qui secouait le navire. Le ciel, quoique sans
nuages, se voilait de la brume épaisse qui souvent accompagne
la tempête. La plupart des passagers étaient frappés de terreur;
pour moi, je me félicitais de l’aventure, car nous étions loin de
la côte, et je pensais n’avoir autre chose à craindre que de rester