
pareille occupation eût été peu opportune en présence d’Arous
el-Khalifah.
Des cabanes de palmiers, entremêlées de bosquets de dattie s
et de modestes villas, se groupent le long de la côte aux environs
de Moharrek; dans trois semaines, nous visiterons la ville,
dont je donnerai au lecteur une description détaillée.
Menamah, malgré son étendue considérable, renferme moins
de palais que sa rivale, et n’offre pas le même déploiement de.
citadelles et de fortifications ; elle est' le centre du commerce, Moharrek
celui du gouvernement. De la mer, on n’aperçoit qu’une
faible portion de la ville ; le terrain est si plat que les premières
rangées de maisons et de magasins cachent les autres édifices.
Un seul monument rompt l’uniformité de la perspective, c’est le
palais d’Ali, frère de Mohammed, et vice-gouverneur de Menamah.
Sur la plage, couverte de vase et de cailloux, s’élèvent les
cabanes des marins, habitations qui n’ont pas la plus légère
prétention à l’élégance. A l’ouest et au sud, s’étendent des bois
épais; enfin les mâts de bateaux de pêche et des petits navires
dont la rade est encombrée, forment devant la ville une sombre
palissade qui en rend l’aspect plus triste encore.
Le soir nous jetâmes l’ancre devant Moharrek; une barque
se détacha aussitôt du rivage, et conduisit nos nobles compagnons
à la résidence du vice-roi; pour nous, qu’aucune
affaire n ’attirait dans l’île, nous passâmes la nuit à bord du
cutter. Le lendemain, nous nous frayâmes un passage au milieu
des nombreuses barques de pêcheurs qui boulinent dans les
eaux du "canal de Bahraïn, et, une heure après le lever du soleil,
nous débarquions sur la côte de Menamah.
Les étrangers, qu’ils soient nombreux ou non, qu’ils viennent
du nord ou du midi, attirent ici peu d’attention. Nous traversâmes
la plage d’un pas rapide, pensant que peut-être Abou-
Eysa nous attendait dans la ville. Laissant donc notre léger
bagage dans la douane, simple hangar rempli de marchands et
de capitaines de marine qui fumaient tous avec une telle ardeur
qu’ils étaient enveloppés d’un nuage épais, nous nous dirigeâmes
vers le café le plus voisin. Ces sortes d’établissements sont en
Orient ce qu’étaient autrefois en Europe les boutiques des barbiers;
tous les étrangers s’y rendent, chacun y vient apprendre
ou raconter les nouvelles. Depuis huit mois, je n’avais pas mis
le pied dans un café, car je visitais des pays trop sauvages et
trop fanatiques pour adopter un semblable usage, mais Bahraïn
n’a jamais fait partie de l’empire wahabite, son atmosphère
morale ressemble plutôt à celle de la Perse. Nous prîmes place
sur les Bancs garnis de nattes, au milieu d’une foule d’oisifs
dont les costumes égayaient le regard par leurs couleurs éclatantes
et nous demandâmes quels étaient les derniers étrangers
arrivés d’Adjeyr, port où le guide avait dû s’embarquer. En
même temps un garçon vêtu d’une veste blanche nous servait
une tasse de café, après avoir préalablement rempli un énorme
narghilé de tabac d’Oman, l’abomination des Nedjéens, mais ici,
nous avons changé tout cela {sic).
Personne n’avait entendu parler d’Abou-Eysa, ce qui, du
reste, n’avait rien d’étonnant. Le vent du nord avait favorisé
notre traversée de Katif à Menamah, il devait au contraire arrêter
un voyageur partant d’Adjeyr. Nous sortîmes du café
pour parcourir les rues de la ville et demander à tous ceux que
nous rencontrions des nouvelles de notre ami; enfin, honteux
d’une recherche qui ressemblait à une mystification, nous ju geâmes
qu’il était plus sage de nous assurer un logis où nous
pussions attendre l’arrivée d’Abou-Eysa.
Ce n’était pas chose facile. Menamah, comme la plupart des
villes orientales, n’a pas d’hôtels pour recevoir les étrangers.
Pendant plusieurs heures, nous errâmes sur les places, regrettant
vivement de n’apercevoir aux murailles des maisons aucune
de ces affiches hospitalières qui en Europe sollicitent le voyageur.
Enfin nous entrâmes dans un élégant petit café situé près
de la plage. Le propriétaire, Arabe fort poli, eut compassion de
notre embarras, et, emmenant avec lui Barakat, tandis que je
restais à examiner un télescope qui passait pour un objet de
grande curiosité, il s’occupa de nous chercher un logement.
Tous deux revinrent au coucher du soleil, apportant la bonne
nouvelle qu’ils avaient trouvé un appartement convenable pour
notre court séjour. Nous devions maintenant résoudre une difficulté
assez embarrassante à la douane, où l’on avait prélevé sur
notre bagage un droit arbitraire de cinq tomans d’argent, d’après
le principe généralement en usage dans les ports de mer d’exploiter
le plus possible les étrangers. Mes lecteurs remarqueront
à cette occasion que la monnaie de Perse remplace ici celle