
comme les alliés les plus propres à les défendre de la Perse.
Pour mieux mériter la protection des« saints, » ils adoptèrent
dans toute leur rigueur les rites et les dogmes du nouvel islamisme,
dont ils se proclament encore aujourd’hui les disciples,
bien que le temps ait un peu calmé l’ardeur première de leur
zèle;
Les chefs du Barr-Fâris se disent issus du clan des Meteyr,
avec lequel, on s’en souvient, nous avons fait connaissance dans
le Nedjed ; si la jalousie, l’amour de la discorde, du pillage et de
la vengeance sont les signes auxquels se reconnaissent les descendants
des clans nomades, les nobles arabes du Barr-Fâris ont
des titre s. incontestables à cette origine. On retrouve aussi en
eux l’inconstance et la légèreté des Bédouins, défauts qui les ont
empêchés, qui les empêcheront toujours de cultiver les arts de
la paix, de rendre profitables les conquêtes de la guerre.
Tel est le caractère des chefs. Le peuple, au physique et au
moral, participe du Persan et de l’Arabe, à tel point qu’il est
souvent difficile de distinguer les familles nedjéennes des familles
shirazites. Leurs vêtements et leurs usages se rapprochent
néanmoins de ceux de Téhéran. L’hospitalité, si franche et si
généreuse dans la Péninsule, devient plus froide et plus circonspecte,
la conversation avec l’hôte étranger, plus banale et plus
cérémonieuse; enfin un sentiment de solitude, inconnu au voyageur
qui séjourne au milieu des Arabes, pèse sur lui dans le
Barr-Fâris. L’état général du pays est loin d’être prospère. Les
attaques de la Perse, les discordes intestines, l’influence pernicieuse
d’une religion étroite, ont à peu près ruiné le commerce,
unique richesse de la côte. Les huîtres perlières n’habitent pas
les eaux profondes qui baignert le rivasre, le poisson même y est
beaucoup moins abondant qu’au sud du golfe Persique, et l’agriculture
suffit à peine à la nourriture des habitants. Aussi l’activité
du Barr-Fâris s’était-elle de tout temps tournée vers le
commerce que favorisaient l’excellente situation de ses ports et
ses communications faciles avec l’intérieur du continent. La
population se composait en grande partie de trafiquants et de
marins, dont l’intelligence et la hardiesse étaient devenues
célèbres depuis Bassora jusqu’à Mascate. Ils gardent encore
aujourd’hui quelque chose de leur réputation nautique, mais le
mahométisme entrave leurs aptitudes naturelles, et le nombre
de leurs navires, l’audace même de leurs matelots diminue
chaque jour. Le wahabisme ne pouvait s’établir dans un pays
auquel il fût plus contraire et où son action pernicieuse devînt
plus évidente.
La brise favorable qui gonflait nos voiles semblait nous promettre
une prompte traversée, mais le vent vira au sud, nous
obligeant à nous écarter de notre route, tandis que la chaleur
étouffante de l’atmosphère présageait un orage. Bientôt le ciel
s’assombrit, et quand nous arrivâmes en vue de l’île d’Haloul,
masse de rochers volcaniques qui s’élèvent perpendiculairement
du sein de la mer, la brise avait fait place à de violentes rafales.
Du flanc des sombres pics jaillit une source d’eau vive bien connue
des pêcheurs du Katar qui lui rendent de fréquentes visites.
Haloul, nue et aride, ne renferme du reste aucune population
fixe; c’est un des nombreux îlots, ou. plutôt des récifs, qui parsèment
la baie; notre capitaine me dit en avoir compté jusqu’à
trente-six, sur lesquels sept ou huit au plus, couverts d’une rare
végétation, méritent véritablement le nom d’îles.
Le soleil se coucha enveloppé d’épaisses vapeurs et le vent du
sud-est souffla toute la nuit, nous chassant loin de Shardjah,
dans la direction des eaux profondes connues sous le nom de
Ghubbat-Fâris. Le capitaine essaya en vain de remettre le vais ■
seau dans la bonne voie, il se vit obligé de renoncer à cet espoir
et de cingler vers Barr-Fâris. Le lendemain, à midi, nous passâmes
devant l’île basse et sablonneuse de Djes, où Bahraïn a
fondé une colonie florissante. Peu après, les contours arrondis
du Djebel Atrandjah (montagne du Citron), puis la côte persane
tout entière, apparurent à nos regards.
Cette région forme avec l’Arabie un contraste frappant. Les
montagnes, dont plusieurs atteignent une hauteur de deux mille
pieds, ont un aspect sauvage, moins désolé pourtant que les
chaînes arides des plages arabes. Sur quelques points, les rochers
baignent dans le golfe leurs larges bases; en d’autres, une.bande
de terre, sillonnée par des courants profonds, dont aucun cependant
ne dure toute l’année, s’avance de deux ou trois lieues dans
l’intérieur du pays jusqu’à ce qu’elle rencontre le pied des montagnes.
Au delà de Charak, près du Djebel Atrandjah, une route
large et pittoresque conduit à Shiraz, c’est par là que les armées
persanes envahissent le Barr-Fâris. Sur les versants des col