
ont une bosse comme les boeufs de l’Inde ; on les attelle souvent
à la charrue, quelquefois aussi on emploie des ânes, mais jamais
de chevaux, il est à peine besoin de le dire. La race de ces derniers
animaux ressemble à celle du Shomer; quant aux chameaux,
nombreux et d un prix modique, ils ne sont inférieurs
qu’à ceux de l’Oman.
Cest dans l’Hasa seulement que,.pendant toute la durée de
mon long voyage, j ’ai rencontré des spécimens de monnaie
arabe. Au Djowf et dans le Shomer, on se sert de pièces turques
ou européennes, qui arrivent par la Syrie, l’Ëgypte et la Perse.
Au Nedjed, où l’argent turc n’a pas cours, où les francs et les
florins ne sont pas admis, les réaux espagnols et les souverains
anglais ont le privilège de conserver leur valeur monétaire.
Pour les transactions peu importantes, les habitants de l’Ared,
du Sedeyr et de l’Yémamah font usage de ce qu’ils appellent une
djedidah (monnaie nouvelle) quoique, ne leur en déplaise, elle
soit en réalité fort ancienne. C’est une pièce d'argent usée, un peu
moins grande que le franc, et qui, d’après les inscriptions à demi-
effacées quon déchiffre avec peine sur l’exergue, paraît avoir
été frappée en Egypte sous le règne des Mamelouks. Elle vaut
deux « gorsh » syriens, c’est-à-dire à peu près cinquante centimes.
Le Nedjed possède encore une monnaie nommée khordah,
petits morceaux de cuivre de forme variable, tantôt carrés, tantôt
ronds, quelquefois triangulaires, et qui, fabriqués à Bassora
il y a deux ou trois siècles, donnent une médiocre opinion de
1 industrie turque. L’inscription porte en caractères cunéiformes
irréguliers le nom du gouverneur local qui administrait alors la
province. Trente khordah équivalent à une djedidah, mais l’un
et l’autre sont également étrangers, le gouvernement wahabite
n’a jamais eu de monnaie qui lui fût propre.
Pour la première fois en Arabie, je trouvai dans l’Hasa des
pièces de fabrication indigène, ce sont les towilah, minces lames
de cuivre d’un pouce de long, fendues à l’extrémité de manière
à figurer un Y dont les branches auraient très-peu d’ouverture.
Les côtés portent en caractères cufiques les noms des princes
carmathes sous lesquels ont été fabriqués ces curieux échantillons
de la numismatique arabe. L’exergue ne porte du reste
ni date ni devise. Trois towilah valent un gorsh'. Cette monnaie
a cours seulement dans la province qui lui a donné naissance ;
de là vient le proverbe : « Zey towilah il Hasa » (pareil aux towilah
de l’Hasa), que l’on applique souvent aux personnes dont
le mérite et la renommée ne franchissent pas la frontière de leur
pays. A l’époque de leur prospérité, les rois carmathes émirent
des towilah d’argent et d’or, mais ils ont été fondus depuis longtemps.
Le towilah de cuivre, seul vestige de l’ancienne indépendance
de l’Hasa, se mêle aujourd’hui au toman de Perse, à l’anna
et à la roupie. La monnaie turque ou européenne, les khordah
et les djedidah du Nedjed rfont pas cours dans la province. En
raison de l’importance dès transactions commerciales, l’argent
est ici plus abondant et a en conséquence une valeur relative
moindre que dans les provinces de l’intérieur. Mes lecteurs de-'
vineront sans peine qu’en Arabie, le commence d’échange est
très-usité chez les paysans et même chez les pauvres habitants
des villes. Déjà dans l’Hasa, le villageois ne parvient qu’avec
beaucoup de peine à compter les tomans d’argent ou les towilah
de cuivre. Mais le calcul abstrait est une opération qui dépasse
le niveau intellectuel ordinaire des Bédouins et des campagnards
nedjéens.
Pendant notre séjour à Hofhouf, Abou-Eysa, qui désirait
me décider à visiter l’Oman, épuisa toutes les ressources de sa
rhétorique ; ce que nous avions vu jusqu’à présent, nous répétait
il sans cesse, même dans sa province favorite d’Hasa, n’était
rien en comparaison de la richesse et de l’abondance des districts
plus éloignés. Barakat, fatigué de notre long voyage, et
trouvant déjà bien suffisante la distance qui le séparait de
son pays, se souciait fort peu de cette excursion supplémentaire.
Sa répugnance était du reste assez naturelle; les habitants
de la Syrie, les chrétiens surtout, ont pour leur terre natale
un si vif attachement, qu’il leur est difficile de se résoudre à la
quitter, même pour un court voyage. Ce qui avait lieu de me
surprendre, ce n’était pas que mon compagnon refusât de me
suivre plus longtemps, c’était qu’il fût venu aussi loin. Les Anglais,
au contraire, sont voyageurs par tradition et par habitude
; je résolus d’explorer l’Oman, que Barakat vînt ou non avec
moi. En conséquence, voici ce qui fut arrêté; nous quitterions
ensemble Hofhouf pour aller au Katif et de là aux îles Bahraïn,
où Abou-Eysa nous rejoindrait seulement une ou deux semaines
après, car il ne fallait pas que dans une province remplie d’es