
courte étude, les pages qui suivront ne seraient pas intelligibles.
Ep effet, soit que l’on parcoure réellement un pays, soit que l’on
se contente de suivre en imagination l’explorateur qui l’a visité,
on retirera peu de profit de ce voyage, si l’on ne connaît l’histoire
dés contrées que l’on traverse. Ainsi des marins visitent le monde
entier sans rien voir, et, pour emprunter la comparaison d’un
ingénieux écrivain, ils ressemblent à des hommes dont le regard
se porte sur l’envers d’une broderie, qui ne présente que points,
taches et confusion de teintes, sans la moindre trace de dessin
ni d’idée.
Pendant une période d’environ huit siècles, quelques mouvements
parmi les tribus de Bédouins alliées de l’Oman, quelques
incidents d’un caractère individuel plutôt que national, une certaine
complicité avec l’insurrection carmathe de l’Hasa, voilà les
seuls faits que nous aient transmislesannalesdu pays. Lesentre-
prises des Portugais, les exploits d’Albuquerque, la conquête
d’Ormuz, et plus tard celle de Mascate, sont lés premiers événements
qui amènent le royaume sur la scène de l’histoire générale.
Il ne paraît pas qu’à une époque antérieure, l’Oman ait
acquis aucune des possessions auxquelles il doit maintenant une
grande partie de son importance ; la Perse gardait ses côtes et son
golfe, le gouvernement carmathe de Katif s’étendait jusqu’au
Ras Mesandum; et l’Afrique, Zanzibar, Socotora, ne connaissaient
encore les Omanites qu’en qualité de marchands, peut-être
de trafiquants d’esclaves. Jusqu’au dix-septième siècle, le gouvernement
semble avoir conservé sa forme primitive, c’est-à-dire
celle d’une confédération dans'laquelle les Yaribah occupaient
la première place et prenaient le titre de roi.
Cet état de choses changea lors de l’invasion des Européens.
Ce fut le signal de guerres sanglantes auxquelles le Portugal,
la Hollande et la Perse prirent une grande part, chacun de
ces pays obtenant tour à tour des avantages passagers, sans
qu’aucun d’eux en recueillît un profit durable. L’Oman, avec
ses îles et ses côtes, assista d’abord inactif au conflit qui déchirait
son sein, jusqu’à ce que, exaspéré par l’excès de la souffrance,
il prit à son tour les armes, eut conscience de sa force, et
trouva dans ses pertes mêmes la source d’une prospérité considérable
et permanente.
A la fin du seizième siècle, il paraissait perdu sans ressources.
Les Portugais s’étaient emparés de Mascate ainsi que d’autres
points importants de la côte ; Ormuz était en leur pouvoir, et
leur flotte, maîtresse de la mer, interceptait complètement les
communications de l’Arabie orientale. Puis vinrent les Hollandais,
ennemis des Portugais, à la vérité, mais plus encore du
* peuple indigène. Enfip, profitant de la rivalité des Européens,
les Persans reprirent possession d’Ormuz et débarquèrent dans
l’Oman dont ils regardaient les habitants comme des sujets de
leur souveraiiî, quoiqu’ils les traitassent en peuple conquis.
Les principaux événements de cette lutte prolongée sont bien
connus. Les Portugais, après un siècle et demi de possession,
furent chassés complètement et pour toujours des rives de
l’Oman et du golfe Persique; les Hollandais s’emparèrent d’îles
et de forteresses qu’ils ne tardèrent pas à perdre, tandis queSaïd,
gouverneur de Sohar, réussissait, par sa bravoure et ses talents
militaires, à expulser les Persans de la Péninsule et plaçait la
couronne sur sa tête. Tous ces faits ont été consignés dans des
chroniques et des relations dont l’une des plus claires et des
meilleures, quoiqu’elle soit un peu] concise, est celle de Nie-
buhr; les auteurs français que j’ai consultés sont trop inexacts,
et les Portugais trop ignorants, pour qu’on puisse leur accorder
une confiance sans réserve.
Ahmed-ebn-Saïd fut proclamé sultan de l’Oman en 1759 et
occupa le .trône jusque vers 1780. Son règne, signalé d’abord par
des luttes sanglantes contre les rivaux qui lui disputaient le
trône, fut ensuite paisibleiet même prospère. Les limites occidentales
du royaume furent reculées du côté de l’Hasa, et sur la
côte méridionale, l’autorité d’Ahmed s’étendit jusqu’à Dofar. Le
peuple honore encore la mémoire de ses hauts faits, bien qu’ils
pâlissent devant l’admiration vouée à son petit-fils Saïd, désigné
en général sous le nom seul de Sultan, parce qu’il est, aux yeux
des Omanites, le plus grand souverain qui ait gouverné le pays.
Ahmed en mourant laissa la couronne à son fils dont je n ’ai
pas appris le nom. Aucun événement mémorable ne signala
le règne du nouveau monarque ; ce fut une époque de calme
et de prospérité, quoique dépourvue de gloire, si gloire est
synonyme de conquêtes. L’Oman s’enrichissait par le commerce
et augmentait sa puissance matérielle, la tranquillité dont il
jouissait lui permettant de tirer parti de ses immenses res