
occupations de notre hôte et des amis qui fréquentaient sa maison
nous fournirent peu d’occasions d’entretien sur des sujets
généraux. De plus, sans être wahabite, Astar était mahométan
zélé, et Ion entrait alors dans le mois de ramadhan, où tous
les bons musulmans jeûnent, prennent un air refrogné, tout
■ au moins gardent le silence. Vêtu d’un costume convenable en
coton rouge, selon la mode omanite, d’une large ceinture blanche,
d’un turban, de souliers, et armé d’une canne nebaa, complément
indispensable d’une toilette comme il faut, je commençai,
le quatrième jour qui suivit notre arrivée, à visiter les
bazars, le port et les autres lieux intéressants que la ville renferme.
Ma première promenade me fit rencontrer un ancien
ami de Bombay qui me rendit plusieurs services pendant mon
séjour à Mascate, bien que, par des motifs de prudence, je dusse
apporter une certaine réserve à nos entrevues. Si le hasard mettait
ces pages sous les yeux de mon ami l’Hindou, je puis lui donner
l’assurance que ma gratitude ne se borne pas à cette courte
aUusion.
Mascate est une véritable Babylone orientale, dans laquelle les
Banians jouent le principal rôle commercial et financier. Cependant,
quelques marchands omanites rivalisent pour l’entente des
affaires avec les négociants de Bombay et de Mangalore. Le plus
riche d’entre eux est, je crois, un nommé Seyf, avec lequel
j ’entretins pendant mon séjour des relations fréquentes. Sa demeure,
voisine du rivage, passerait pour belle, même à Breach-
Candy ou à la Pointe de Malabar, et sa table somptueuse est en
rapport avec le style de l’habitation. L’arrangement intérieur des
maisons subit ici 1 influence du goût iranien, quoique les Persans
ne soient nullement aimés dans le pays. Par un sentiment
analogue, l’Angleterre tient en haute estime les modes, les opéras,
la cuisine du continent, tout en éprouvant une aversion
instinctive pour les races étrangères.
Sous le rapport de la politesse, de la civilisation, de l’élégance,
les habitants de Mascate l’emportent de beaucoup sur ceux
des autres ports de la Péninsule ; la franchise et l’hospitalité
particulières aux Arabes ne leur font pas non plus défaut, bien
qu elles soient tempérées par une circonspection fort naturelle
chez des hommes trop accoutumés a la vue des étrangers pour
qu un nouveau venu excite parmi eux un intérêt aussi vif que
dans Hayel ou dans Biad. Les différentes classes qui composent
la population de la ville, Omanites, Arabes, Persans, Juifs, Hindous,
forment cependant chacune autant de communautés distinctes
dans lesquelles nul n’est admis qu’avec beaucoup de réserve,
et, si les rapports commerciaux sont universels, l’intimité
du foyer est rare. Les habitants de Bahraïn, très-nombreux ici,
possèdent seuls le privilège de se glisser partout. Leur caractère
cosmopolite leur donne un accès également facile auprès du
Persan au coeur étroit,- du fantasque Indien, du fanatique Ned-
jéen, du Juif défiant; ce sont les Maltais de l’Orient, avec cette
différence qu’ils ont l'humeur plus douce et plus paisible. Les
nègres et les mulâtres forment le cinquième de la population,
mais ils occupent les derniers degrés de l’échelle sociale; non
que le moindre préjugé pèse sur eux, c’est uniquement leu r paresse,
leur incapacité, le déréglement de leurs moeurs qui les retiennent
dans cette situation inférieure. Ceci est vrai surtout des
nègres libres; ceux qui ont l’avantage d’avoir un maître, se
montrent bien supérieurs à leurs frères affranchis, à peu près
comme un écolier dirigé par un sage précepteur surpasse en
intelligence et en raison l’enfant dégueniHé qui vagabonde dans
les rues.
On rencontre à Mascate des religions fort différentes, mais le
veau d’or, si je ne me trompe, y trouve des adorateurs plus fervents
que toutes les autres divinités. Depuis la première occupation
wahabite cependant, on a bâti trois ou quatre mosquées
dans lesquelles peuvent se rendre ceux qui ont le loisir ou la
volonté d’être fidèles aux préceptes du Prophète. Ces sanctuaires
de l’islamisme sont fréquentés avec plus ou moins d’assiduité
par les marchands de Bassora, de l’Yémen et du Nedjed établis
à Mascate, jamais je n’y ai vu un seul Omanite. Les sunnites,
parmi lesquels on distingue un grand nombre de shafites, forment
environ le dixième de la population totale ; les Persans et
les indigènes de Bahraïn sont fidèles au culte shiite; mais le
takyah, c’est-à-dire l’usage de conformer sa conduite extérieure
à celle des personnes présentes, — usage que les shiites, les
Druses et les ismaéliens regardent comme méritoire, — donne à
beaucoup de mahométans indifférents ou hérétiques l’apparence
de sunnites orthodoxes; d’autres suivent les coutumes des bia-
dites. Par suite de la même tendance, les Béloutchis, les habi