
parler dans lOman, mais auxquelles je n’avais jamais assisté.
Tandis que les serviteurs faisaient circuler autour de la salle
des gâteaux, des pistaches et autres friandises, vingt hommes,
vêtus de tuniques couleur de safran, les cheveux nattés avec
soin, se divisèrent en deux bandes et commencèrent une série
d évolutions gracieuses, tantôt simulant un combat, tantôt exécutant
une sorte de contredanse, battant la mesure sur leurs
boucliers et s animant à l’envi les uns les autres. Des romances
nabti, chantées par quelques-uns des assistants, terminèrent
les plaisirs de la soirée.
Le lendemain, mes compagnons partirent de grand matin
pour Zaki ; ils auraient voulu me décider à les accompagner,
mais j ’étais trop souffrant pour tenter le voyage. Notre hôte
Okeyl, me voyant faible et fatigué, offrit de me prêter un âne
pour me conduire à Kamli, village voisin de Mascate, ce que
j ’acceptai de grand coeur. Avant de me quitter, Zoham exprima
de la façon la plus affectueuse l’espérance de me revoir. Où et
quand son souhait se réalisera-t-il ? me demandais-je avec
tristesse tout en enfourchant ma monture et en prenant la route
du nord, escorté par un jeune garçon de Besheyr. Après avoir
suivi pendant trois heures les ondulations d’une plaine parsemée
de bosquets et de bois qui me rappelaient certains paysages
de l’Inde, nous atteignîmes les collines de la côte qu’il
nous fallut traverser sous les rayons d’un soleil brûlant. La
chaleur, réfléchie par les masses rocheuses, me parut aussi insupportable
que celle du mois de juillet en Syrie, et'mon état
maladif la rendait encore plus pénible. Autour de nous, sous
nos pieds, au-dessus de nos têtes se dressaient les formes étranges
des pics qui entourent Mascate, les uns, tranchants comme
le fer d une dague, les autres, élancés comme la flèche d’une cathédrale.
Un peu avant le milieu du jour, nous arrivâmes enfin
à Kamli, petit port qui est à proprement parler un faubourg.
de Mascate. J étais épuisé de fatigue et je souffrais horriblement
delà chaleur, aussi, apercevant deux nègres occupés à puiser de
1 eau dans une citerne près du village, je leur demandai de verser
sur moi, en guise de douche, le contenu, de leurs seaux. Cette
aspersion n’était peut-être pas très-prudente, mais sur le moment,
elle me fit grand bien. Je dis alors adieu au jeune villageois
qui m avait accompagné et je-continuai seul ma route
jusqu’à Mascate. De retour au logis, j ’appris qu’en mon absence,
Yousef s’était entendu pour notre passage avec un capitaine
de Koweyt, dont le vaisseau devait partir pour Abou-Shahr dès
que le vent deviendrait favorable. L’honnête marin avait refusé
de recevoir aucune rémunération, disant qu’il y aurait
honte à priver de leurs dernières ressources des hommes déjà
si cruellement éprouvés.
Avant de me rendre, à bord de ce cutter hospitalier, il me
reste à donner encore quelques détails sur le royaume d’Oman;
les uns m’ont été fournis par Zoham et ses compagnons, les
autres, par des Arabes nés dans les pays mêmes qu’ils décrivaient
et dont le caractère m’a paru digne de confiance. Ces informations
sont du reste parfaitement d’accord avec ce que j’ai
vu dans le pays ; il eût mieux valu sans doute en vérifier par
moi-même l’exactitude ; mais les accidents qui abrégèrent mon
séjour dans la Péninsule serviront, je pense, d’excuse à l’insuffisance
de mes renseignements.
Les possessions arabes et persanes de l’Oman se partagent
en treize divisions, dont les unes sont placées sous la dépendance
immédiate du gouvernement central, tandis que les autres
gardent une sorte d’autonomie. Ces dernières sont au nombre de
cinq : les Bahraïn, qui à l’époque de ma visite ne se rattachaient
à l’Oman que par la chaîne bien légère d’un mince tribut et d’un
douteux serment d’allégeance; le Katar et le territoire des
Benou-Yass, dont l’union est un peu plus étroite; enfin les trois
provinces de Shardjah, de Rous-el-Djebal et de Kalhout, qui, à
la vérité, sont soumises au sultan, mais par l’intermédiaire
sourdement hostile de Khalid-ebn-Sakar.
Huit provinces reconnaissent une dépendance plus absolue et
une règle plus stricte ; ce sont :
1° La côte persane depuislecap Bostanah jusqu’à Djask, avec
les îles adjacentes de Djism, deLaredj et d’Ormuz. Ce pays a une
longueur d’environ deux cents milles, et sa largeur varie de dix
à trente ; il doit son importance aux baies nombreuses qui découpent
le rivage.
2° Le Batinah, plaine immense comprise entre la gorge de
Kataa-l-Loha au nord, Barka et les montagnes de Mascate au
sud, la chaîne du Djebel Akhdar à l’ouest. Cetle province
égale la première pour la longueur, mais elle a une largeur de