
et lui donnai les détails qu’il lui importait de savoir pour nous
prêter, au besoin, une assistance efficace.
Le guide m’écoutait avec une attention profonde ; quelquefois
il m’interrompait pour m’adresser une courte question ou pour
me reprocher affectueusement de n’avoir pas eu confiance plusa
tôt dans son amitié. Notre entretien dura jusqu’à ce que le soleil,
atteignant presque son zénith, eût réduit à une ligne imperceptible
l’ombre du mur près duquel nous étions assis, et voici ce
qui fut arrêté entre nous-. Premièrement, nous serions fidèles
l’un à l’autre dans !a bonne comme dans la mauvaise fortune,
aussi longtemps que la Providence prolongerait mon séjour en
Arabie. Secondement, Abou-Eysa mettrait le plus possible en relief
mon talent médical, et emploierait tout son crédit à m’as-
sûrer une brillante et honorable réputation. Troisièmement,
aucun de nous ne quitterait Riad sans le consentement mutuel
des deux parties ; j ’attendrais que le guide eût réglé ses affaires
dans la capitale ; lui, de son côté me laisserait le temps de terminer
les miennes, puis, nous partirions ensemble. Quatrièmement,
Abou-Eysa nous faciliterait les moyens de visiter les provinces
orientales. Cinquièmement enfin, notre excellent ami me
conseillait de ne pas retourner en Europe sans avoir parcouru
les iles du golfe Persique et le royaume d’Oman. J’éprouvai
d’abord, je l’avoue, quelque répugnance à modifier ainsi notre
itinéraire, le voyage me paraissant déjà bien assez long, surtout
avec l’excursion projetée dans l’Hasa; nous convînmes de revenir
plus tard sur ce point, et, nous rentrâmes dans la pièce, où
Barakat attendait le résultat de notre conférence. Le guide comprenant
combien notre situation était difficile, et craignant que
Tipexpérience demon jeune compagnon le rendît imprudent, lui
donna une foule de sages conseils sur la réserve et la gravité
qui, seules, pouvaient éloigner les soupçons. Toutes choses
étant convenues entre nous, la confiance rentra dans nos coeurs
et un joyeux repas scella notre traité.
Il me faut maintenant revenir de quelques jours en arrière
pour raconter des événements de moindre importance, mais
nécessaires cependant pour l’intelligence du récit qui va suivre.
Le lendemain de notre arrivée, avant que nous eussions rencontré
Abdel-Aziz, l’infatigable Abou-Eysa vint nous apprendre
que, selon notre désir, il nous avait trouvé un logement modeste
et situé loin du château, car des infidèles comme nous ne
devaient pas se tenir trop près du sanctuaire wahabite. Le guide
avait arrangé cett,e affaire avec quelques amis qu’il avait à la
cour, et sans consulter ni Feysul, ni ses ministres. Quittant aussitôt
le palais de Djelouwi, nous traversâmes la place du Marché,
franchîmes un dédale de ruelles étroites, et quelques minutes
après, nous entrions dans une galerie couverte qui nous conduisit
à une large impasse Lordée de maisons. Une habitation vaste
et élégante en fermait l’extrémité ; elle appartenait autrefois à
un Arabe dont la richesse et la conduite imprudente avaient
éveillé la haine des zélateurs; pour échapper à la bastonnade,
peut-être à un traitement pire encore, il s’était, comme beaucoup
d’autres, réfugié dans l’Hasa. Ses biens avait été provisoirement
confisqués, et la résidence que nous avions devant les
yeux venait d’être mise, par ordre de Feysul, à la disposition du
Naïb. A quelques pas de là s’élevait une modeste demeure qui
faisait partie des domaines dü palais, et qu’on louait d’ordinaire
à des particuliers. Elle était parfaitement appropriée au genre
de vie que nous entendions mener, et les locataires, moyennant
la riche indemnité de six djédidah (deux francs cinquante centimes),
consentirent avec empressement à vider les lieux. L’argent,
on le voit, n’a pas aujourd’hui moins de valeur à Riad
qu’il n’en avait en Angleterre sous le règne d’Édouard II.
Notre nouvelle habitation se composait d'un khawah, très-
vaste, un peu sombre, mais la chaleur du climat oblige les
Nedjéens à défendre les appartements contre les rayons du soleil
plus qu’il n’est d’usage de le faire à Hayel et dans le Kasim.
Cette pièce, précédée d’un vestibule, ouvrait sur une cour intérieure
au milieu de laquelle plusieurs touffes de verveine attestaient
le goût sentimental des Arabes pour les beautés de la
nature; car l’habitude d’élever amoureusement deux ou trois
plantes afin d’avoir sous les yeux quelque chose qui rappelle la
campagne n’est pas à l’usage exclusif de Londres, où l’on voit
tant de jardinets suspendus sur le bord des fenêtres. Une cuisine,
séparée du reste de la maison, se trouvait au fond de la
cour; en face une petite porte donnait accès dans une chambre
assez spacieuse où j ’installai ma pharmacie; cette pièce était,
comme le khawah, surmontée d’une terrasse qu’entourait un
parapet fort élevé. Un petit magasin rempli de meubles et de