
elle cultivait avec ardeur les sciences occultes et se montrait
digne de présider les conciliabules nocturnes où figurent les chats
noirs, les manches à balai, les chaudrons cabalistiques.
Il est peut-être à propos de rechercher la cause de la supériorité
des sorciers ou plutôt des jongleurs omanites, non que
le sujet ait en lui-même beaucoup d’importance, mais il sera la
source de considérations générales dignes d’intérêt. C’est à la
population nègre, importée du continent voisin, qu’il faut attribuer,
je crois, la prédominance'de la magie. J’ai déjà parlé du
commerce d’esclaves qui se fait entre les côtes orientales de l’Afrique
et les ports de l’Oman. Je n’ai pas besoin d’entrer dans les
détails de ce trafic, des moyens employés pour le maintenir, ni
de donner la description des négriers arabes; bien qu’en réalité,
— ceci soit dit pour la consolation des lecteurs anti-esclavagistes,
g- l’esclavage, d’,après la manière dont il est pratiqué ici
de temps immémorial, n’ait de commun que le nom avéc l’odieux
système qui, en Occident, sanctionnait tant d’atrocités. Je veux
simplement exposer la véritable condition de la race noire dans
l’Oman, et l’influence qu’elle exerce sur cette partie de l’Arabie,
influence que des Européens auront peine à comprendre, mais
qui n’en est pas moins profondément ressentie par la population
kahtanite. Je dis kahtanite et non arabe, car les races du nord
et du centre de la Péninsule sont libéralement pourvues de la
fibre d’acier, qui fait des Occidentaux et surtout des Anglo-
Saxons « une machine,—pour emprunter l’expression d’Hamlet,
— complètement indépendante des impressions du dehors. »
Parmi les Arabes du Shomer et du Nedjed, les nègres, quel que
soit leur nombre, ne pèsent guère plus dans la balance des sentiments
nationaux qu’ils ne feraient en Angleterre. Mais ici les
choses se passent d’une façon toute différente.
Si nous disions que, chaque année, un millier de nègres,
hommes, femmes et enfants, sont importés dans l’Oman, nous
serions considérablement au-dessous de l’évaluation des habitants
eux-mêmes. De tous ces nègres, « arrachés ainsi aux joies
du foyer domestique, » — peut-être pourrions-nous dire avec
plus de justesse, soustraits à une existence bonne seulement
pour les sangliers ou les tigres des jungles, — les deux tiers demeurent
fixés sur le territoire de l’Oman ou des provinces adjacentes.
La plupart d’entre eux, tous ceux du moins qui ne meurent
pas dans le jeûne âge, — événement assez rare sous un
climat aussi sain et avec des maîtres aussi doux, — obtiennent
tôt ou tard leur affranchissement; un nouvel élément s’ajoute
ainsi à la population indigène. Mais un noir qui, placé sous lâ
direction d’un maître, déploie des qualités éminentes, sait rarement
se créer une position honorable quand il devient libre. En
général, les nègres émancipés sont domestiques, porteurs d’eau,
jardiniers, laboureurs,matelots, plongeurs, etc.; et,quoique leur
nombre forme presque le quart de la population totale, ils n’ont
su jusqu’à présent se distinguer des indigènes que par unè superstition
grossière, une immoralité scandaleuse. Fétichistes en
Afrique, ils ne le sont pas moins sur le sol arabe; ils apportent
avec leur croyance dégradée tout son cortège de jongleries,
d’empoisonnements, de charmes magiques, si bien que ces pratiques
déplorables se sont infiltrées dans la société blanche, et
que les disciples ont égalé, surpassé même leurs maîtres. La
prédominence de superstitions funestes, la crainte des influences
sidérales, la foi aveugle que mettent les Omanites dans des talismans
et des fétiches de toutes sortes, proviennent du contact
malsain de la population nègre. Cependant les allusions de
quelques anciens auteurs mahométans tendraient à nous faire
croire que cette perversité est un fruit natif de la Péninsule
orientale, et qu’elle existait avant l’immigration mélanienne, qui
l’a seulement accrue et fortifiée.
Quant à l’immoralité des nègres, elle ne surprendra aucun de
ceux qui connaissent, et les passions sensuelles de la race africaine
et la tendance des populations esclaves à encourager les
vices de leurs maîtres. Les moeurs déplorables des États méridionaux
de l’Union américaine prouvent d’une manière assez frappante
l’exactitude de ces faits pour que je me dispense d’entrer
dans de plus longs détails,., .
Il me reste encore beaucoup de choses à dire sur les caractères
physiques du pays et sur ses productions;.ce sujet, rempli d’intérêt,
sera traité avec l’attention qu’il mérite dans la suite de
cet ouvrage. ■
Mais avant de reprendre le fil interrompu de mon récit, je
dois faire encore appel à la patience du lecteur, pour lui mettre
sous les yeux une esquisse abrégée de l’histoire politique et de la
condition du royaume pendant les derniers siècles : sans cette