
elles ne sauraient être augmentées sans le consentement de l’autorité
municipale, de sorte que le sultan trouve son plus ferme
appui dans le bon vouloir du peuple et la prospérité du commerce
maritime. Mais fût-il, comme Thoweyni, négligent et
adonné au plaisir, les maux qui en résultent ne sont pas immédiats,
la nation n’en continue pas moins sa marche, car on peut
presque dire qu’elle se gouverne elle-même. Ainsi l’Oman, bien
plus que tout autre pays de la Péninsule, se rapproche de ce que
nous nommons un gouvernement mixte ou constitutionnel.
Un mot encore sur la position des Wahabites dans l’Oman.
Leur dernière invasion et l’odieuse conduite de Khalid-ebn-
Sakar n’ont, pas contribué, on le pense bien, à réconcilier les
biadites avec la dynastie des Ebn-Saoud. Le duc d’Albe dans les
Pays-Bas, Cortez à Mexico n’excitèrent pas une haine plus profonde.
L’influence nedjéenne, quoiqu’elle fût entretenue par les
Djowasimah de la côte occidentale, par la garnison deBereymah,
par quelques wahabites répandus dans les principales villes du
Batinah, avait considérablement diminué vers l’époque de mon
voyage, et cela, grâce à plusieurs causes dont je vais donner
un court aperçu.
Ahmed-es-Sedeyri, que Peysul avait nommé gouverneur de
Bereymah, afin de le séparer de sa famille, avait peu à peu congédié
les fonctionnaires nedjéens pour s’entourer d’Omanites, et
s était concilié 1 affection du pays en désavouant la politique et
les principes de son maître. Quant au tribut, jamais il n’en avait
envoyé la moindre partie au trésor de Riad. Pendant mon séjour
dans l’Ared, j ’ai entendu plus d’une fois les ministres blâmer,
non sans raison, la conduite de Sedeyri ; mais l’élojgnement, le
danger d’une rupture ouverte avec un puissant sujet, enfin la
presque certitude d’être désobéi, ont jusqu’ici empêché Peysul
de le rappeler.
Les autres Nedjéens qui habitent l’Oman ont aussi confirmé le
proverbe ■ arabe : « une fréquentation de quarante jours rend
l’homme semblable à ses compagnons. * Plusieurs de ces exorthodoxes
ont ouvertement secoué le joug du wahabisme; ils
portent des habits aux couleurs éclatantes, fument comme des
locomotives, et paraissent avoir complètement oublié les formules
religieuses qui sont en usage à Riad. Quelques-uns même
ont mis une nouvelle barrière entre leur ancienne et leur nouvelle
patrie, en contractant une union sacrilège avec les sirènes
de l’Oman. Les marchands wahabites établis à Mascate et dans
les principaux ports de mer gardent néanmoins un certain décorum
qu’ils conservent, soit par suite de fréquents rapports
avec leur pays natal, soit simplement à cause dé leur grand
nombre. Quant aux sunnites appartenant à de nobles et anciennes
familles nedjéennes fixées dans le Batinah depuis plusieurs
générations, ils restent, comme les Djowasimah du Ras
Mesandum, attachés à leurs dogmes avec la ténacité de fanatiques
sectaires. Mais ce sont là des anomalies, et l’Oman ne
montre pas en général la plus légère tendance à adopter aucune
forme d’islamisme orthodoxe, celle du wahabisme moins
que toute autre..
Les croyances shiites dominent sur la côte opposée du golfe
Persique où nous allons bientôt débarquer. Ici, comme partout
ailleurs, le gouvernement omanite laisse ses sujets entièrement
libres, à la condition de ne troubler ni l’ordre public, ni la sécurité
individuelle ; les rites persans sont célébrés publiquement sans
être l’objet d’aucun commentaire, ni donner lieu à la moindre
intervention. Je mentionnerai d’autres particularités relatives à
cette côte, pendant le séjour, — heureusement très-rapide, —
que nous allons faire à Lindja.
Le matin du 11 février, nous descendîmes à terre dans un
canot du navire. Tout près du quai central, se trouve un petit
dock dont une moitié demeure à sec, tandis que l’autre est
assez grande pour contenir de.soixante à quatre-vingts bâtiments
arabes. Il est protégé en avant par une haute jetée assez
habilement construite, à droite et à gauche par un brise-lame.
Les navires qui ne peuvent y trouver place, mouillent en mer
dans la large baie sablonneuse. A l’époque de notre arrivée, le
port renfermait environ cent voiles ; il est abrité au couchant
par le cap Bostanah, au levant par l’île de Djishm; au nord s’étendent
la terre ferme et les montagnes de la Perse; le vent du
sud est le seul qui trouble parfois les eaux de Lindja.
La ville s’élève au bord de la mer dont la sépare seule une
étroite bande de sable blanc. Le rivage a une hauteur de vingt
ou trente pieds, en sorte que les habitations sont garanties de
l’humidité et largement aérées, grâce à une vaste plaine située
non loin de la côte.