
sources. Cet Ebn-Saïd, pour lui donner son nom patronymique,
mourut à un âge prématuré, au commencement de ce siècle, et
eut pour successeur son fils Saïd.
Ce prince, quoique fort jeune quand il monta sur le trône,
était déjà renommé.pour sa sagesse. Il reconnut tout d’abord que
l’Oman était un pays essentiellement maritime, et il entreprit
sans retard la construction d’une flotte assez considérable pour
lui assurer l’empire du golfe Persique. Il eut bientôt équipé et
réuni dans ses ports environ trente frégates construites d’après les
modèles européens et armées de canon. A l’aide de ces navires,
Saïd s’empara de l’île de Zanzibar, du Sowahil, de Socotora ; enfin,
par un blocus longtemps prolongé, il contraignit la Perse à
abandonner une partie de ses côtes, outre les îles d’Ormuz, de
Djishm, de Laredj et de Bahraïn. Le conquérant visita en personne
ses nouvelles colonies, encouragea et régularisa leur
commerce, et rendit enfin son royaume aussi florissant qu’étendu.
L’empire wahabite était alors dans le premier épanouissement
de sa puissance, et les grandes richesses accumulées par leurs infidèles
voisins excitèrent la cupidité des orthodoxes Ebn-Saoud.
Abdallah envahit l’Oman, s’empara de Mascate et rendit le pay s
trilyitaire du Nedjed. A quelques années de là, des escarmouches
qui eurent lieu dans le voisinage du Ras-el-Hadd amenèrent
l’intervention des Anglais, intervention bientôt suivie de la destruction
des pirates, dont le brigandage rendait la navigation
du golfe Persique difficile et même dangereuse pour les navires
européens.
Le renversement de l’empire wahabite par Ibrahim-Pacha
permit à Saïd de recouvrer son indépendance; l’Oman retrouva
son ancienne prospérité, et même l’accrut encore. 11 devint le
principal entrepôt du commerce de l’Afrique, de la Perse et de
l’Inde ; en même temps de nombreuses colonies des marchands
de ces pays, encouragées par la politique libérale de Saïd, s’établissaient
à Sohar, à Barka, à MaScate, et dans d’autres ports du
royaume, apportant avec eux une capacité et une persévérance
que l’on rencontre rarement parmi les Arabes.
Tant qu’il avait été soumis aux Wahabites, l’Oman avait payé
un tribut annuel considérable au gouverneur de la Mecque, qui,
à cette époque, n’était autre que le sultan Abdallah-ebn-Saoud.
Il était assez naturel que Saïd, délivré du joug nedjéen, jugeât
superflu de contribuer à l’entretien de la ville sainte. Mais le
shérif de la Mecque était d’une opinion différente, et il menaça
de susciter au monarque omanite des difficultés sérieuses s’il
persistait à refuser le payement du denier de Saint-Pierre arabe.
On échangea de nombreux messages; enfin les ressources de la
diplomatie épistolaire étant épuisées, Saïd, qui était, paraît-il,
fort amateur de locomotion, et très-désireux de contempler les
merveilles « du vaste monde, » résolut de voir le shérif et de régler
en personne le différend.
Escorté d’une foule d’officiers et de serviteurs magnifiquement
vêtus, le sultan s’embarqua pour Djeddah, et se rendit à la
ville de Mahomet où « sa Splendeur, — ainsi s’exprime l’historien
omanite, — fut saluée par l’admiration universelle. * Le
shérif se montra plein d’égards et la négociation semblait en
bonne voie, quand Saïd sollicita la faveur d’être conduit dans
l’édifice sacré de la Kaaba, afin de connaître le temple dont on
lui demandait d’accroître la richesse. Le gouverneur de la
Mecque y consentit et tous deux allèrent ensemble au lieu
saint.' Le prince omanite ayant voulu savoir dans quel endroit,
de la mosquée les différentes sectes musulmanes se réunissent
pour la prière, on lui montra les stations des shafites, des han-
bélites, etc. « Où se trouve donc celle des biadites? » ajouta Saïd.
Il était plus facile de poser cette question que de la résoudre ;
le shérif fut obligé de convenir qu’il n ’en existait pas. Le sultan
reprit aussitôt qu’il ne voyait pas de raison pour contribuer aux
frais d’un culte dont ses coréligionnâires étaient exclus. Il quitta
la Mecque, et .on cessa de payer le tribut sous son règne.
Sur son lit de mort, Saïd partagea ses possessions entre ses
trois fils. A Thoweyni, l’aîné, il légua les îles du golfe Persique
et l’Oman, depuis Barka jusqu’au Djebel-Akhdar; Madjid, le
second, eut les possessions d’Afrique, et le plus jeune, Amdjed,
hérita de la partie occidentale de l’Oman située entre Barka et
le Katar, avec Sohar pour capitale. Cette mesure impolitique,
attribuée à l’influence de la reine, et à sa haine profonde pour
ses enfants, prépara de longues guerres et faillit amener la
•ruine compiète de l’empire omanite.
Il ne fallait pas une grande clairvoyance pour prévoir les événements
qui allaient suivre, Thoweyni voulut contraindre son
frèra Madjid à lui payer un tribut et à reconnaître sa suzeraineté.