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vaillant capitaine se transforma en. paisible habitant des villages
du Djebel-Akhdar.
L’expédition se termina donc, comme la plupart des romans,
par d’heureux mariages, et Zamil eut grand’peine à s’arracher
lui-même et à soustraire ses compagnons aux enchantements
des Cléopatres de Mokhanneth.
Le piège dans lequel était tombée l’armée nedjéenne avait été
dressé par les ordres mêmes de Thoweyni, qui commençait alers
à voir clairement les dangers que son imprudente ambition
avait attirés sur le royaume. Quand il eut réussi à détourner
l’attaque dirigée contre le coeur du pays, il se hâta de mettre
un terme aux ravages de Khalid dans le Batinah. Mais le chef de
Shardjah ne ressemblait nullement à Zamil ; le meurtre et le
pillage faisaient ses délices, et le sultan ne possédait pas une
force militaire suffisante pour repousser les envahisseurs que
lui-même avait appelés. La seule ressource qui lui restât était
de recourir auxNedjéens. Il pensa, non sans raison, que l’or
pourrait achever l’oeuvre commencée par l’amour et les douces
paroles ; emportant donc avec lui « l’irrésistible talisman au
moyen duquel on obtient to u t, » il se rendit en personne à Be-
reymab, où se trouvait le quartier général de l’armée wahabite.
De splendides présents, des promesses plus splendides encore
convainquirent Abdallah que l’Oman ayant reconnu la loi de
I Ifflipi son légitime souverain, laguerre devait cesser et le Nedjed retirer
ses troupes. Le fils de Feysul donna l’ordre à Khalid-ebn-Sakar
(Khalid le Vautour) d’abandonner sa proie et de se rendre à Be-
reymah sans délai. Le chef frémit de rage en voyant entraver
son oeuvre exterminatrice, mais un argument semblable à celui
qui avait persuadé le fils de Feysul lui ferma la bouche. Pendant
ce temps, les Omanites, oubliant leurs querelles pour
conjurer le péril commun, avaient rassemblé des forces impo-
santés; Abdallah, quoique féroce et fanatique, avait trop bien
profité des leçons de prudence que lui ayait données son père
pour entreprendre, si loin de son pays, une lutte désespérée. H
prêta l’oreille aux propositions de Thoweyni, et retira ses troupes
de l'Oman, tandis que Khalid rentrait dans Shardjah. Le monarque
omanitè promit d’envoyer à Riad un tribut annuel, de
recevoir dansBereymah une garnison nedjéenne, chargée en apparence
de réprimer l’audace des Bédouins Menasir et Al-Morrah,
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enfin d’admettre auprès de sa personne trois cents gardes waha-
bites. Feysul ayant ratifié le traité, Abdallah évacua enfin le
pays, non sans y laisser un ferment de haine qui, peut-être,
amènera plus tard une explosion terrible. Ces événements se
passaient vers 1853.
Depuis lors, aucune discorde civile n’agita l’Oman. Vrai Sybarite
dans la vie privée, prince fort négligent dans la vie publique,
Thoweyni laisse les chefs locaux administrer en son nom le
royaume, et se réserve seulement les affaires commerciales et
maritimes; du reste, les intrigues amoureuses, les parades, les
parties de plaisir sont la grande affaire de sa vie.
Il ne sera pas inutile de noter ici que la qualification A’Iman
de Mascate, donnée par les voyageurs au souverain de l’Oman,
est d’invention européenne. Thoweyni n’exerce pas les fonctions
d’iman, et n’a pas Mascate pour capitale. Le mot iman, dans
son acception la plus large, désigne quiconque a la préséance,
soit sur le champ de bataille, soit pendant la prière-; quelquefois
au Nedjed, j’ai entendu appeler ainsi Feysul et Abdallah;
cependant, même à Riad, le mot de sultan est beaucoup plus
généralement employé, et dans l’Oman, on ne donne pas d’autre
titre à Thoweyni.
Le gouvernement du pays est une monarchie, non pas absolue
comme dans la plupart des États de l’Orient, mais limitée par
l’action d’une puissante aristocratie, et par l’usage de certains
-droits populaires que les siècles ont sanctionnés. L’Oman est
moins un royaume qu’uneaggrégation de municipalités. Chaque
ville, chaque bourgade a son existence propre et un chef particulier
dont le pouvoir est restreint, d’un côté par les antiques immunités
de ses vassaux, de l’autre par les prérogatives de la
couronne. Lé roi nomme ou dépose les gouverneurs locaux, à
la condition néanmoins de les choisir toujours dans la même famille,
il règle les droits de douane, entretient une armée, permanente
de six ou sept cents hommes, enfin il conclut les alliances,
signe les traités, décide de la paix ou de la guerre. L’administration
de la justice est réservée auxcadis ou juges royaux; le
prince, contrairement à l’usage du Nedjed et du Shomer, n’intervient
presque jamais dans les causes criminelles. Les taxes
prélevées sur les propriétés territoriales et sur les marchandises,
excepté dans les ports commerciaux, sont fixes et immuables;