
sens chez les .Arabes. Les Bédouins et les habitants des villes ne
m’ont pas paru au-dessus du niveau ordinaire de la race humaine
sous ce rapport. Ainsi ils ont la vue plus longue que les
Allemands, mais plus courte que les Grecs. Un phénomène réellement
remarquable parmi eux, c’est le peu de développement
de la sensibilité nerveuse. Dans plus d’une circonstance, où je
dus recourir soit au bistouri, soit à la pierre infernale, je fus
frappé de la froide patience du sujet. Un jeune homme de Riad,
blessé à l’avant-bras par une balle qui avait pénétr.é profondément
dans les tissus, eut recours à moi; ce projectile logé dans ses
chairs le gênait, et il me pria instamment de l’extraire. L’opération
fut assez difficile, à raison de mon inexpérience; il fallut
fendre jusqu’à l’os les aponévroses.Pendant ce temps, le Nedjéen
tenait le membre opéré aussi ferme et aussi immobile que si
c’eût été celui d’un tiers ; il ne changea pas de couleur, si ce n’est
qu’un sentiment de plaisir empourpra ses joues, quand enfin,
l’incision pratiquée, je retirai le morceau de métal et le lui mis
dans la main. Quelques minutes après, il se dirigea tranquillement
vers sa demeure, emportant, comme un trophée, la balle
de plomb.
Je ne parle pas de diverses maladies internes rares ou peu
connues, dont il est fort difficile de préciser le caractère sans
une étude complète et minutieuse du sujet pendant la vie et un
examen anatomique après le décès. L’énumération qui précède
n’a pas d’autre prétention que de présenter une esquisse sommaire
des infirmités nedjéennes. Je n’ajouterai plus que peu
de mots sur l’orient et le sud de la Péninsule, sur les îles et les
côtes du Golfe Persique, afin de ne pas avoir besoin de traiter
de nouveau cette matière aride qui, je le crains, a dû offrir peu
d’intérêt à la majorité des lecteurs.
Quand on descend vers l’est les dernières pentes du grand
plateau, et que l’on entre dans la chaude et humide atmosphère
de l’Hasa, plusieurs maladies, presque entièrement inconnues
au Nedjed, deviennent très-mùltipliées. En tête figurent les fièvres
intermittentes,.souvent pernicieuses et toujours d’une nature
grave ; elles ont leur siège principal au milieu des rivages
vaseux du Katif, mais elles s’étendent plus ou moins sur le littoral
entier de la province, depuis le Katar jusqu’à Koweyt, et
il n’est pas rare que le dénoûment en soit fatal. La fièvre typhoïde
n’abandonne jamais entièrement le pays et prend parfois
un caractère épidémique. La dyssenterie se rencontre souvent;
les hémorrhoïdes, mal aussi douloureux que gênant, peuvent
être, regardées comme universelles. D’un autre côté, les scrofules,
les maladies de poitrine et les rhumatismes sont assez
rares. Ces remarques s’appliquent, sauf quelques exceptions, à
l’Hasa, aux îles Bahraïn, à .celle de Gès, de Djish et d’Ormuz,
ainsi qu’au littoral de l’Oman. Mais les contrées montagneuses
•de cette province peuvent entrer en concurrence sous le rapport
de la salubrité, avec le Sedeyr et le Djebel Shomer.
Il est temps de revenir à la visite du grand trésorier Djowhar
qui a donné lieu à cette longue digression nosologique.
Ce dignitaire, oubliant sa haute position, venait soir et matin
à notre modeste logis pour nous consulter, bien que le mouvement
lui causât.des douleurs aiguës. Au bout de trois semaines,
son état étant devenu assez satisfaisant pour qu il pût, sans péril,
entreprendre la mission qui lui était confiée, sa joie fut des
plus vives, , et une : somme de quarante shillings, présent fort
riche pour un Wahabite, manifesta sa gratitude, qui de plus,
s’épanchait en éloges cordiaux et pompeux. Notre position à la
cour était maintenant des meilleures; Abdallah lui-même, l’héritier
présomptif de la couronne, l’habile administrateur du
royaume, nous témoignait une faveur marquée. Cependant,
Mahboub, le premier ministre, nous avait jusqu’alors traités
avec froideur : la guérison de son père nous valut enfin son- appui,
et, pendant un. certain temps, son intimité. Nos visites au
palais devinrent de plus en plus fréquentes, et nous nous entretenions
aussi souvent des sultans du Nedjed, des princes et des
ministres «que les petites filles font de leurs chiens favoris. »
Mais, avant de raconter nos aventures à la cour, il sera peut-être
à propos de faire connaître la dynastie des Saoud, de retracer
l’histoire de ses principaux membres et des événements auxquels
ils se sont trouvés mêlés. Le sujet, par lui-même, offre un grand
intérêt, outre qu’il peut jeter du jour sur les scènes dont nous
fûmes témoins ou acteurs pendant notre séjour à Riad.
Dans cette esquisse delà dynastie wahabite, de ses guerres,
de sa chute et de sa restauration, je me suis borné à reproduire
simplement et fidèlement ce que j ’ai appris des gens du pays.
On y pourra, je le sais, découvrir des différences assez impor