
querelles; l’espionnage efct inconnu dans l'Oman, les seuls
crimes que punisse la loi sont ceux qui portent atteinte à la
paix du royaume, à la sécurité des habitants. Pendant le jour,
les hurras se tiennent principalement sur la place du marché ;
on les reconnaît à la coupe militaire de leurs vêtements et à
1 ornementation de leurs dagues ; la nuit, ils parcourent les rues
de la ville et arrêtent les gens d’allure suspecte. Le vol, l’effraction,
le meurtre sont choses extrêmement rares dans le Batinah,
aussi un voyageur ne craint-il pas de s’engager seul et
sans armes sur les grandes routes ; aucune tribu nomade n’habite
la région comprise entre le Djebel-Akhdar et la mer; les
seuls Bédouins que l’on rencontre dans l’Oman occupent le
revers méridional des montagnes du Dahirah ou l’extrémité
orientale de la même chaîne dans la province de Djaïlan. Ce
dernier district fournit les meilleurs dromadaires de toute
1 Arabie; les ânes sont très-nombreux dans le Batinah où ils
servent de bêtes de somme et de montures; les chevaux, plus
petits et moins beaux que ceux du Nedjed, sont, en raison de
leur rareté, réservés aux classes les plus riches.
Après le repas, notre hôte offrit de nous montrer la ville,
qui est l’une des plus importantes de l’Oman. Nous acceptâmes
avec empressement sa proposition ; suivis de quelques amis
d’Eysa qui étaient déjà devenus les nôtres, nous nous rendîmes
au palais du gouverneur, vaste édifice entouré d’une triple enceinte
de murailles, et dont les arcades, les colonnes légères, les
balcons, les tourelles, me firent songer à la grande mosquée
Kassab de Bombay. Le château de Sohar s’élève sur une petite
éminence située dans 1 intérieur de la ville ; on y arrive par un
pont construit au-dessus d’un large fossé ; quelques pièces d’artillerie
garnissent les murailles et quatre canons sont rangés
devant la porte principale. La garnison, ici et dans les autres
grandes villes de l’Oman, se compose de Beloutchis, soldats
renommés pour leur fidélité envérs leurs maîtres ; ils ne’ sauraient
du reste, ni fraterniser avec les rebelles du pays, dont
ils sont séparés par des différences profondes de religion, de
langage et de coutumes, ni se liguer avec les Nedjéens, pour lesquels
ils nourrissent une violente antipathie nationale. Lors de
de la première invasion wahabite, Sohar tomba au pouvoir d’Ab-
dallah, mais le château tint longtemps encore après la reddition
de la ville; lorsque enfin les vivres furent épuisés, le chef
omanite s’échappa pendant la nuit, et le lendemain matin, les
Beloutchis, ouvrant les portes de la forteresse, se précipitèrent
l’épée à la main dans les rues de Sohar, décidés à mourir plutôt
que de se rendre, mais non pas sans avoir vendu chèrement leur
vie. Le gouverneur actuel possède de grandes richesses, et le donjon
intérieur, dans lequel personne n’est admis en son absence,
renferme, dit-on, de précieux trésors.
De même qu’au Nedjed et dans l’Hasa, aucune inscription
n’orne les édifices publics, n’en rappelle la date, ou ne consacre le
souvenir d’un événement mémorable. Ce n’est pas que les matériaux
ni les ouvriers manquent ; une pierre jaune fort tendre est
souvent employée dans les constructions, et la décoration des
monuments 'témoigne de l’habileté des sculpteurs omanites;
mais tel n’est pas l’usage du pays, et ce fait prouve une fois de
plus que les Hymiarites n’ont jamais occupé cette partie de la
Péninsule, car ils ont toujours eu un penchant très-prononcé
pour les inscriptions. C’est seulement au fond du Djebel-Akhdar
et du Djaïlan que l’on trouve quelque trace de ce peuple primitif.
Devant le château, une place plantée d’arbres s’étend jusqu’à
la mer; les fortifications de la ville sont en bon état, et pourvues
de pièces d’artillerie ; Sohar pourrait soutenir le siège d’une
armée arabe, si son enceinte n’était pas trop vaste pour.qu’il fût,
possible de la défendre d’une manière efficace. En sortant de la
forteresse, nous nous dirigeâmes vers le marché, qui est beaucoup
plus grand, beaucoup plus régulier que Celui de Shardjah ; les
boutiques ressemblent à celles de Lindja, seulement le grand
nombre d’étrangers qui visitent Sohar donne une importance considérable
au commerce des denrées alimentaires. Le keysaryah,
fermé par de larges portes à deux battants, est aussi long, aussi
spacieux que les souks de Bagdad, mais un grand nombre de
magasins restent inoccupés depuis que les dévastations commises
par Khalid-ebn-Sakar ont découragé les spéculations industrielles.
En revanche, les Wahabites ont bâti près du château
une mosquée qui est aujourd’hui absolument déserte.
Les tisserands, les orfèvres, les bijoutiers, les chaudronniers
et les forgerons, forment ici les principaux corps de méfiers; les
artisans de l’Oman ne l’emportent pas moins sur ceux de l’Hasa,