
tants de Balk et de Bokhara qui résident à Mascate, ont abandonné
la secte dominante dans leur pays, celle des hanifites,
pour devenir shafites comme les riches négociants de Bassora.
En résumé, 1 élément islamite entre à peu près pour un cinquième
dans la population de la ville; les Hindous, les Juifs
et les Parsis forment un autre cinquième; le reste est nègre
ou biadite.
De ces faits, le lecteur doit conclure que Mascate, renfermant
un si grand nombre d’étrangers, est le lieu le moins propre à
1 étude des moeurs omanites. Nul homme sensé ne croirait pouvoir
juger de la France par Boulogne-sur-Mer, de l’Angleterre
par Southampton, de l’Inde par le port de Bombay. Mascate
peut-être donne moins encore l’idée de l’Arabie; quiconque a
vu seulement cette ville et ses environs, ne connaît ni l’Oman,
ni les autres pays de la Péninsule.
Le consul anglais qui réside ici paraît mener une vie fort misérable
et fort isolée. Le voisinage d’Aden donne au gouvernement
de Mascate une certaine appréhension, et, de toutes les
puissances européennes, la Grande-Bretagne est celle qui cause
le plus d’alarmes à Thoweyni. Aussi les Anglais sont-ils regardés
avec une défiance qui exclut presque la politesse, sans
empêcher toutefois les transactions commerciales. De plus,
le climat est peu favorable aux Européens. L’été, paraît-il, est à
Mascate d une intolérable chaleur; je puis assurer que la température
de mars y rivalise avec celle de l’Inde au mois d’avril ou
de mai. La population indigène elle-même, si l’on excepte ceux
que retiennent la pauvreté ou des affaires urgentes, quitte la
ville aux premiers jours du printemps. Dès que les chaleurs se
font sentir, le marchand confie son comptoir à un commis, le
spéculateur traite ses affaires par correspondance, et les riches
propriétaires, les négociants, les fonctionnaires publics partent
en foule pour leurs maisons de campagne de Samaïl, de Nezwah,
duDjebel-Akhdar, laissant Mascate déserte jusqu’à ce que le mois
d’octobre vienne lui rendre la vie. On peut juger de la chaleur
qui doit régner ici au mois d’août par ce fait'que les abricots
sotit parfaitement mûrs en mars, et les raisins à la fin d’avril.
Il existe, sous plus d un rapport, une ressemblance frappante
entre les deux extrémités de l’Arabie, Mascate et Aden. Toutes
deux sont évidemment des groupes de rochers volcaniques, entassés
jadis sur la côte par une puissante force souterraine;
toutes deux ressemblent à de gigantesques cratères, entourés de
pics d’un noir rougeâtre; toutes deux, par la chaleur de leur
climat, feraient penser que la combustion intérieure qui leur a
donné naissance à l’origine s’est élevée depuis vers la surface ;
toutes deux ont, du côté de la mer, un aspect de stérilité et de
désolation excessives. Mais, dans Aden, la stérilité est réelle; à
Mascate, elle n’est qu’apparente, car, derrière ces rochers, se
trouvent les terres les meilleures et les plus productives de l’Arabie
; bosquets, eaux courantes, villages populeux, jardins verdoyants.
Quant à la ville elle-même, elle est loin d’être saine;
pendant mon séjour, une fièvre typhoïde dont je ne tardai pas à
être atteint décimait les habitants, et l’on me dit que de semblables
épidémies ne sont pas rares. Sans l’excellent port qui
attire en cet endroit les vaisseaux de la Perse, de l’Inde et de.
l’Oman, Mascate serait le plus infime des nombreux petits villages
de la côte.
Un des traits caractéristiques de cette ville, au point de vue
moral, c’est la complète sécurité de ses rues, sur lesquelles
veille une excellente police; la nuit comme le jour, on peut tra verser
en toute sûreté les ruelles et les carrefours, bien que les
ruines comprises dans la vaste enceinte des murailles offrent'
aux voleurs un refuge commode. Ces gibiers de potence sont
cependant fort rares, et l’habitude générale de porter un poignard
ne semble pas avoir d’autre but que la parure. Mais
si les habitants n’enlèvent pas souvent les bourses, ils s’entendent
à merveille à les vider, car ils sont d’une habileté rare pour
conclure des marchés avantageux.
Peu de villes en Arabie ont éprouvé autant que Mascate, les
vicissitudes de la fortune. Les débris d’une église, enfermée aujourd'hui
dans l’enceinte du palais, perpétuent encore le souvenir
de la domination portugaise, et l’on assigne la même date aux
fortifications qui protègent le port et couronnent les hauteurs.
Des maisons belles et spacieuses, dont la plupart tombent en
ruines, attestent l’occupation persane; enfin, sur plusieurs
points de la ville, s’élèvent des khans abandonnés, qui servaient
autrefois de demeure aux Banians et autres marchands hindous
qu’attirait la politique habile de Saïd-es-Sultan, et qu’éloignent
aujourd’hui la funeste influence du rigorisme vrahahite, la né