
fanes. Les cloches, — si toutefois .on peut appeler ainsi le signal
qui dans les églises du Levant appelle les fidèles à l’office divin,
— furent également frappées d’anathème, non parce qu’elles
troublent le sommeil des anges, mais bien parce qu’elles sont
d’un usage universel dans le culte rival. Enfin, le même motif
poussa Mahomet à condamner la musique, à la ranger parmi les
plus noires inventions de l’esprit des ténèbres pour perdre
l’humanité ; il confirmait ainsi d’avance les belles paroles que
Shakespeare met dans la bouche de Lorenzo : * Celui qui n’a
aucune musique dans son âme, qui n’est pas touché de 1 accord
des sons harmonieux, est propre aux trahisons, aux stratagèmes,
aux violences. Les mouvements de son coeur sont lugubres
comme la nuit, ses affections noires comme l’Érèbe. Ne
vous fiez pas à un tel homme. » Ce fut aussi en haine du christianisme
que le Prophète interdit la prière pendant les premières
heures qui suivent le lever du soleil et celles qui précèdent
son coucher; il se souciait en réalité fort peu des cornes
de Satan, mais cette partie du jour était consacrée chez les
chrétiens orientaux à la messe et aux vêpres. Il n’est pas invraisemblable
non plus d’attribuer au même besoin d’opposition le
discrédit jeté par Mahomet sur la navigation et le commerce.
« Men nezel elbahra morreyteni fkad kefer » (Celui qui s’embarque
deux fois sur mer est un infidèle), a dit dans le Coran le chamelier
de La Mecque, et cette phrase ne lui vaudra pas, j’imagine,
la sympathie des Anglais. Tandis que le christianisme, qui avait
été chercher sur une barque de Tibériade son premier vicaire
couvrait l’Océan de flottes innombrables, l’islamisme, sous prétexte
de zèle religieux, paralysait l’intelligence et l’activité humaines.
En un mot, mettre sa religion et ses disciples en désaccord
complet avec le christianisme et les chrétiens, tel fut le but
principal de Mahomet, et il réussit parfaitement à l’atteindre ;
onze siècles n’ont pas rapproché, de l’épaisseur d’un cheveu,
des cultes dont la bannière accuse la violente antipathie. Outre
la religion de Jésus, deux autres croyances disputaient au Prophète
l’empire de l’Arabie, c’étaient le judaïsme et le paganisme,
contre lesquels il fallait aussi prendre quelques précautions.
Les honneurs rendus à la Kaaba, l’usage de la chair de
chameau, que Moïse avait interdite, la consécration de la polygarnie
dans la forme nouvelle du harem, séparaient suffisamment
les vrais croyants des israélites. Quant aux païens, c’est-
à-dire aux Arabes qui professaient le sabéisme, Mahomet ne les
redoutait guère; un compromis avec eux était chose impossible
et le combat même ne pouvait être de longue durée entre les
erreurs du polythéisme et la doctrine plus pure qui enseignait
l’unité divine. En face du christianisme, la situation était bien
différente. Une lutte, dont il était impossible de prévoir le terme,
allait s’engager ; les forces ennemies paraissaient d’égale puissance,
e.t les deux religions présentaient assez d’analogie pour
faire craindre une transaction fatale à l’islamisme, quand les
communications de peuple à peuple auraient rapproché les esprits,
fatigués d’ailleurs de guerres et de controverses. Il était
donc indispensable d’établir des distinctions spéciales, visibles
dans tous les détails de la vie quotidienne et càpables de maintenir
la dissemblance sans laquelle l’islamisme était en danger
de se confondre dans le grand courant chrétien.
Les siècles suivants montrèrent que les. craintes du Prophète
n’étaient pas chimériques; l’histoire des confréries ascétiques'
et des sectes secrètes de l’Orient, depuis les Dardanelles jusqu’à
l’Indus, prouvent combien de fois le mahométisme a été sur ,le
point de se dissoudre par suite de l’infiltration des idées chrétiennes.
Ce sujet mériterait d’être approfondi plus qu’il ne l’a
été jusqu’à présent, mais ce n’est pas ici le lieu d’entamer une
longue discussion, il me faut revenir à Mahomet que nous avons
laissé dressant, comme un habile capitaine, son plan de bataille.
Chaque jour, à chaque heure, des prières, et des rites multipliés,
vinrent rappeler aux sectateurs du Prophète la religion
qu’ils servaient; toutes les formules récitées pendant les pieuses
cérémonies durent renfermer un abrégé du dogme fondamental,
l’essence même de son esprit, sous une forme concise et frappante;
elles durent pénétrer les musulmans de la conviction
qu ils formaiént un peuple choisi dont les croyances sont incompatibles
avec celles des autres nations. Ce but une fois atteint.
Mahomet pensa pouvoir introduire sans danger quelques phrases
conciliantes, hommage rendu à une religion puissante et durable..
L importance d’une telle matière engagera sans doute le lec