
d’ibrahim campait aux environs de la ville. L’ambassadeur
d’Abdallah sollicita d’abord vainement une audience; quand au
bout de quatre jours, il lui fut permis de se présenter devant le
général :
« Eh bien, dit celui-ci, dans le dialecte familier des habitants
du Caire, quelles nouvelles m’apportes-tu de ce chien de Wahabite,
ton maître? » L’envoyé lui remit la lettre. Ibrahim la parcourut
des yeux et se mit à rire aux éclats.
« Oh! oh! mon maître! mon seigneur! votre humble esclave!
Qu’on me donne, ajouta-t-il en se tournant vers un de ses serviteurs,
le message que j’ai reçu du chef de l’Asir il y a quatre
jours. »
C’était une protestation de dévouement et d’obéissance à
laquelle, pour mieux prouver sa sincérité, Saadoun avait joint
la note qu’Abdallah venait de lui envoyer.
* Ecoute ceci, » dit Ibrahim au Nedjéen. Et il lut à haute voix
le document peu diplomatique, non sans s’interrompre souvent
pour maudire la calligraphie des Wahabites. * Au nom de Dieu
le miséricordieux, nous Abdallah, saluons Ebn-Saadoun; que
'la paix et la bénédiction soient sur toi ! Ne te laisse pas effrayer
p arle s rugissements du chacal égyptien, car il ne saurait te
nuire. Nous serons victorieux, nous qui combattons sous la protection
d’Allah. N’écoute pas les fanfaronnades des infidèles, ils
seront confondus et couverts de honte. Nos chevaux et nos cavaliers
viendront à ton aide ; la victoire est dans les mains
d’Allah! »
«D’une main, Abdallah écrit à ses amis pour les exciter
contre nous,—ajoute Ibrahim,— et de l’autre il nous envoie des
propositions de paix. Ton maître est un imposteur ; dis-lui que
je lui rendrai réponse en personne sous les murs de Dereyah;
et maintenant, sors d’ici au plus vite avec tes présents dont je
n’ai que faire. Si je ne respectais en toi le titre d’ambassadeur,
je t ’aurais déjà envoyé au supplice. »
Une pareille réponse rendait inutile toute excuse, toute ruse
diplomatique; le Nedjéen le comprit; il partit au plus vite,
emmenant les chevaux, et revint à Djeddah.
Une fois sur les côtes de l’Arabie, il se demanda comment,
après une telle réception, il oserait reparaître au Nedjed; il
y avait là de quoi faire tomber, non pas une, mais cent têtes.
Cependant un Arabe demeure rarement à court d’expédients.
Notre homme en imagina un assez ingénieux ; il vendit les chevaux
refusés, acheta douze esclaves nubiens, qu’il revêtit de
riches costumes et prit avec eux la route de Dereyah, publiant
partout sur son passage que ces nègres étaient un présent offert
par Ibrahim à Abdallah, un gage de son amitié, de son respect
pour le puissant monarque des Wahabites.
Il entra dans la capitale à l’heure où la voix du muezzin appelait
au temple les Wahabites. Accompagné de ses esclaves
magnifiquement vêtus, il se dirigea vers la grande mosquée,
qui était remplie de fidèles. Abd-Allah occupait déjà le premier
rang. Ses regards, comme ceux de toute 1 assemblée, se portèrent
sur l’ambassadeur. « Dieu est avec les Musulmans!
Louange à Dieu! » Telles furent les paroles qui circulèrent
au milieu de la multitude à la vue des esclaves dont la
présence semblait de bon augure. Abdallah, malgré son impatience
de connaître les bonnes nouvelles que chacun pressentait,
imposa d’un geste silence à la foule et les prières continuèrent.
Quand elles furent finies, le messager raconta qu’une courtoise
réception lui avait été faite par le potentat égyptien ; en
apprenant la courageuse résistance que le Nedjed se préparait
à lui opposer, Ibrahim avait pris 1 alarme, il demandait la paix,
et en témoignage de ses sentiments d’amitié, priait Abdallah
d’accepter le don des douze Nubiens. « Montrez-nous maintenant
la lettre de l’infidèle, demanda le prince. » L’adroit ambassadeur
répondit que des communications de cette importance
devaient être lues seulement en audience privée. Le roi y consentit,
emmena avec lui l’envoyé, et se rendit au palais suivi de
ses ministres et de sa cour.
Quand le conseil fut réuni dans le divan : « Le message dont
je suis chargé est très-confidentiel, dit le Nedjéen, je ne dois le
faire connaître à nul autre qu’au roi. » Abdallah un peu surpris,
renvoya néanmoins ses ministres.
« Ibrahim ne m’a remis aucune lettre, il vous portera lui-
même sa réponse à Dereyah ; préparez-vous donc à combattre, »
dit l’ambassadeur. Puis il raconta ce qu’il avait vu et entendu,
priant son maître d’excuser l’artifice qu’il avait imaginé pour
ne pas jeter l’alarme dans la capitale. « Mais, ajouta-t-il, le