
donc sa cour à Riad, et commença la construction du vaste palais
occupé aujourd’hui par son fils Feysul ; les fortifications de la
ville, l’érection de la grande mosquée ou Djamia, furent ensuite
l’objet de ses soins; le jeune roi, comprenant que l’enthousiasme
religieux faisait sa principale force, et pouvait seul servir
de prétexte aux conquêtes qu’il méditait déjà, se déclara le chef
de la secte wahabite, et fortifia son autorité en l’appuyant sur les
haines religieuses.
L’Ared, le Woshem, le Sedeyr, l’Afladj, l’Yémamah, l’Harik et
le Dowasir reconnurent le nouveau sultan, mais le Kasim était
encore au pouvoir de Khalid Pacha, dont les troupes défendaient
l’accès des provinces du nord et de l’ouest ; l’Hasa et le Katif,
après avoir chassé les oppresseurs égyptiens, prétendaient ne
pas se soumettre davantage à des maîtres wahabites, et ils avaient
rétabli les anciens chefs locaux. Enfin l’Oman reconnaissait pour
souverain le sultan Saïd-ebn-Saïd.
Avant de s’imposer à des populations qui le repoussaient,
Turki s’occupa sagement de réorganiser l’administration du
Nedjed. Malheureusement un orage terrible vint troubler ses
soins pacifiques : Méhémet-Ali avait confié à Hoseyn-Pacha une
nombreuse armée, en lui donnant la mission de relever dans
l’Arabie centrale la fortune égyptienne.
Le fils d’Abdallah n’était pas assez fort pour soutenir l’attaque
régulière de troupes disciplinées ; il abandonna sa capitale, se
retira, suivi de ses partisans les plus fidèles, sur les hauteurs du
Toweyk, et attendit patiemment que les fautes de ses ennemis
lui eussent rendu l’avantage. Hoseyn arriva sans coup férir jusqu’au
coeur du Nedjed, les villes et les bourgades lui ouvrirent
leurs portes, les garnisons se soumirent ou se dispersèrent.
Quelques-uns des fugitifs se rallièrent à Turki, le plus grand
nombre traversa l’Yémamah et se concentra dans l’Harik, province
qui avait voué à la domination égyptienne une haine implacable.
Hoseyn-Pacha, devenu maître de l’Ared, aurait pu maintenir
longtemps son autorité, s’il avait agi avec sagesse. Mais impatient
de briser toutes les résistances, il voulut marcher aussitôt sur
l ’Harik, se réservant de combattre à son retour les troupes qui
avaient rejoint Turki dans le Sedeyr.
Sa résolution téméraire allait le rendre victime d’une de ces
perfidies calculées dont les Wahabites se rendent trop souvent
coupables, et que ne saurait légitimer l’amour même de la patrie
et de l’indépendance. L’armée égyptienne devait traverser le
bras du grand désert qui sépare l'Harik de l’Yémamah, et se
termine au nord à la Wadi-Soley. Hoseyn-Pacha chercha des
guides, il trouva des traîtres.
Sous prétexte de conduire les troupes par des- chemins plus
sûrs et plus courts, les Nedjéens les attirèrent au milieu des collines
de sable qui s’étendent non loin de l’Harik et les laissèrent
mourir de soif dans la brûlante solitude. Quand les paysans des
villages voisins vinrent contempler l’oeuvre de mort, ils ne trouvèrent
plus,—des témoins oculaires me l’ont affirmé, - que des
cadavres défigurés parles convulsions dune horrible agonie.
Les corps qui jonchaient la plaine funèbre étaient au nombre
de quatre ou cinq mille ; quelques personnes prétendent qu Hoseyn
Pacha partagea le sort des victimes, d’autres affirment, —
et cette opinion me paraît plus vraisemblable, — qu’il réussit à
s’échapper avec quelques hommes de sa suite, revint au Kasim
et retourna bientôt après en Égypte.
Délivré de son ennemi, le fils d’Abdallah reprit possession de
ses États qu’il gouverna plusieurs années dans une paix profonde.
Nous avons déjà raconté4 comment il tenta une expédition contre
l’Hasa, comment il fut assassiné par son ambitieux cousin Mes-
hari, et son fils Feysul proclamé roi du Nedjed, grâce à l’énergique
intervention d’Abdallah, père de Telal, qui mit à mort 1 u-
surpateur.
Feysul avait trente-trois ou trente-quatre ans lorsque ces événements
inattendus l’élevèrent au pouvoir suprême. Ses qualités
naturelles qui rappelaient beaucoup plus son père Turki que
son grand-père Abdallah, lui permettaient d envisager sans
frayeur les difficultés de sa position. Sa douceur, sa modération,
sa prudence, son extérieur agréable et sa parole éloquente lui
concilièrent d’abord l’affection de ses sujets. Mais 1 influence
des doctrines wahabites, l’ascendant que prit sur lui le parti
orthodoxe, un penchant inné pour le fanatisme et la superstition,
détruisirent bientôt les espérances qui avaient, accueilli
son avènement. En avançant en âge, Feysul se livra de plus en
1. Vol. I, chap. 3.