
de même que, dans le christianisme, l’agenouillement ou la posture
assise, le surplis ou la robe noire sont devenus les signes-
extêrieurs qui distinguent les catholiques des protestants.
En premier lieu, nos amis du Nedjed -ne regardent pas les
ablutions avant la prière comme aussi indispensables que les
autres Mahométans; le moindre prétexte, souvent même la paresse
seule, suffit pour la faire remplacer par la courte cérémonie
du « Tefumman. » Ce n’est pas que l’eau soit rare; Riad,
— pour ne rien dire des autres villes, du Nedjed où règne la
même négligence,—possède des puits nombreux auxquels sont
joints de petits réservoirs destinés aux ablutions partielles ou
complètes {Wedou ou Gh&sel); les Wahabites se justifient par
l’exemple du Prophète qui, si la tradition dit vrai, n’était nullement
scrupuleux à cet égard.
Secondement, les Nedjéens entrent souvent dans la mosquée,.
Djamia ou Musalla, sans ôter leurs sandales, ils les conservent
même en disant leurs prières; spectacle étrange et scandaleux
pour la majorité des Mahométans. Quand on les interroge à ce
sujet, ils s’excusent en disant « Ardona tahireth » (notre sol est
pur), bien que je n’aie jamais pu apprendre quel titre particulier
possède leur territoire à cette pureté extraordinaire. L’aspérité
des cailloux et la rencontre fréquente de petites épines fournissent,
je pense, une explication plus plausible. Quoi qu’il en soit,
un shafi de Damas ou un malekite d’Égypte serait médiocrement
édifié par un tel spectacle. Les Wahabites s’autorisent en cela
d’un précédent puisé dans la vie de Mahomet, qui gardait, dit-on,
ses bottes pendant les cérémonies religieuses.
De plus, leur adan ou proclamation de la prière est moitié
moins longue que celle des autres mahométans ; les formules
que l’on répète ailleurs quatre fois ne le sont que deux fois
chez les Wahabites, Toutes les phrases additionnelles, toutes-
les fioritures introduites en mémoire du Prophète, des Sahha-
bah, etc., sont ici inexorablement rejetées.
Enfin, pendant la prière, les Nedjéens se préoccupent peu de-
garder une immobilité complète. Je ne doute pas qu’en cela
aussi ils ne se rapprochent de la forme des rites observés jadis à
Médine,. quand Bêlai remplissait le ministère de muezzin, Mahomet
celui d’iman, et que les Sahhahali formaient l’assemblée.
Au surplus, le premier fondateur de l'Islamisme- et ses coreligicnnaires
étaient des Arabes, par conséquent les cérémonies multipliées
n’avaient pas pour eux beaucoup d’attraits. Les pratiques
minutieuses que les Shafites, les Malekites, les Hanefites de
Damas, du Caire, de Constantinople observent aujourd’hui, conviennent
à des Persans, des Turcs, des Kurdes, même des Grecs ;
mais des Arabes sont beaucoup moins formalistes envers les
hommes, et même envers Dieu.
Les Wahabites suivent donc de plus près la vraie tradition ;
néanmoins les mahométans modernes ne partagent pas leur
' manière de voir ; un exemple assez amusant de cette divergence
s’est produit à Riad, il y a trois ans. Le cheik Mohammed-el-
Bekri, personnage très-considéré à Damas, et dont les opinions
religieuses font loi en Syrie, arriva dans la capitale nedjéenne
î vers la fin de 1861. Je ne saurais dire d’une manière certaine
quel vent l’avait poussé vers l’Arabie centrale ; peut-être, après
I avoir signalé son zèle dans les massacres de juillet, ne jugeait-il
I pas convenable d’attendre l’arrivée de Fuad-Pacha et de la com-
[■ mission turque. La prudence lui conseillant de quitter le théâtre
[ de ses exploits, il vint de la Mecque à Riad, où l’avait précédé
sa réputation de savant docteur, de maître en Israël. Feysul le
reçut avec de grands honneurs, et le cadi Abdel-Latif, arrière-
petit-fils de Mohammed-Abdel-Wahab, réclama l’honneur de
lui donner l’hospitalité. Tout alla bien d’abord, la politesse
arabe contenait l’esprit de secte et empêchait les controverses de
s’envenimer. Mais quand arriva le vendredi, le cheik syrien qui
s’était gardé jusque-là d’assister aux prières publiques des
Wahabites, ne put refuser de se rendre à la mosquée, d’autant
. plus que son hôte devait y faire l’office de Khatib ou prédicateur.
Il prit place au premier rang de l’assemblée, et s’efforça de calmer
les remords de sa conscience, qui lui reprochait de pactiser
avec les réformateurs, en désavouant intérieurement toute association
schismatique. Hélas! de quel scandale il allait être témoin!
Le metowa qui remplissait les fonctions d’iman venait de
réciter, le Tekbir-el-Ikrarn, et commençait le Faiihah, quand
: —chose horrible à dire! — il se permit de redresser un pli du
I col de sa tunique, au lieu de tenir décemment les bras croisés
I sur sa poitrine. A cette vue, Bekri ne put contenir son indigna- .
i tion; il valait mieux omettre les prières que de les réciter avec
; un iman capable de méconnaître ainsi ses devoirs. « Allahomma,