
ornée d’une garde d’argent, est quelquefois attachée à la
ceinture.
Avant d’être soumis aux Wahabites, l’Hasa se faisait remarquer
par son goût pour le luxe et la parure; maintenant
encore la soie et les broderies s’y rencontrent plus fréquemment
qu’il ne conviendrait dans un pays orthodoxe. En 1856,
vers l’époque de la grande réforme qui fut introduite à Riad
par le dévot Feysul, quelques zélateurs se rendirent à Hofhouf ;
jugeant que les crimes des habitants provoquaient la colère
céleste et pouvaient amener le retour du choléra, ils' tonnèrent
contre les vanités mondaines et les vêtements somptueux.
Mais les foudres de leur éloquence ne suffisant pas à renverser
l’arbre maudit du péché, leurs mains et leurs bâtons
achevèrent l’oeuvre sainte; pendant que les misérables pécheurs
de l’Hasa hésitaient à briser leurs coupables jouets,
de fervents Nedjéens vinrent en aide aux missionnaires; les vêtements
de soie furent mis en pièces, les brodertes d’or jonchèrent
littéralement le sol; le tabac, poursuivi avec une égale
ardeur, ne trouva de refuge que dans l’intérieur des maisons.
Une autre coutume criminelle, répandue parmi les hautes
classes de la société, fut aussi réprimée avec une juste rigueur.
De temps immémorial, les habitants d’Hofhouf, refusant de se
croire de simples bêtes de somme, et se jugeant capables par
conséquent de jouir de plaisirs plus délicats que ceux qui
sont permis par le Prophète à ses sectateurs, avaient coutume
d’organiser des parties de campagne quand les affaires leur
en laissaient le loisir. Ces vacances, qu’ils prenaient ordinairement
en automne, duraient une ou deux semaines. Au nord-
est de l’Hasa s’élève une longue chaîne, dont les sommets,
creusés de larges grottes naturelles appelées « Moghor, » —
nom qui s’est étendu à la montagne entière, — offrent des retraites
fraîches et commodes pendant les chaleurs de l’été.
Les marchands d’Hofhouf venaient s’y reposer des préoccupations
et des fatigues du négoce; la causerie, les contes, les
ballades, la musique et la danse égayaient tour à tour les
réunions. Mais, il est clair que de tels délassements sont en
opposition formelle avec l’esprit de l’islamisme; les Nedjéens
voyaient les parties de plaisir du Djebel Moghor avec autant
d’indignation qu’en éprouveraient de vertueux presbytériens
si le dimanche, ils entendaient jouer du violon dans les rues
de Glasgow. Feysul lui-même s’en émut ; plusieurs des coupables
furent arrêtés, d’autres frappés d’une forte amende,
et ce qui subsiste de ces_divertissements, car ils n’ont pas tous
disparu, est le partage d’un petit nombre de privilégiés, qui
prennent des précautions infinies pour n’être pas découverts.
Notre séjour à Hofhouf en fournira un exemple.
Je voudrais pouvoir dire que la moralité du moins a profité
de ces lois somptuaires et de ces règlements rigoureux. Mais,
ià en juger par ce que j ’ai vu de scandales privés et de désordres
domestiques, les .saints de l’Hasâ ne paraissent pas avoir mieux
atteint leur but que leurs frères aînés, les réformateurs de Genève
et de Londres,-au temps de Calvin et du Parlement-Croupion.
Presque toutes les tentatives du même genre ont échoué,
et cependant il arrive peut-être plus rarement encore aux
gouvernements qu’aux particuliers de mettre à profit les leçons
de l’expérience.
Notre grande ambition dans l’Hasa, était, je l’ai déjà dit,
d’observer sans être observés, et d’éviter ainsi les incidents
et les catastrophes qui auraient pu marquer notre séjour. Nous
ne voulions cependant pas mener une vie tout à fait retirée, et
par là même livrée à une complète monotonie, Abou-Eysa
prit soin de nous mettre en relation avec les familles les plus
honnêtes et les plus instruites de la ville, et ma profession médicale
n’eut jamais un plus vaste champ pour s’exercer, ni plus
de succès que dans Hofhouf. D’aimables invitations, tantôt à
dîner, tantôt à souper, nous étaient adressées chaque jour ; sur
les tables auxquelles nous nous asseyions, le poisson et les crevettes
fraîches annonçaient le voisinage de la côte, en même
temps que le vermicelle et d’autres pâtes dénotaient 1 influence
de l’art persan sur la cuisine. L’habitude de fumer dans l’intérieur
était générale, mais le narghilé remplaçait souvent et
avec beaucoup d’avantage la courte pipe arabe ; quant aux
parfums, on ne les apprécie pas moins ici qu’au Nedjed. Les
meubles sont plus nombreux et plus élégants que ceux qui
ornent les habitations du Sedeyr et de l’Ared ; les sièges, les
tables à manger, les armoires, les lits me rappelaient les maisons
hindoues de Cambaye ou de Baroda. On décore souvent de
sculptures les châssis des portes et des fenêtres ; enfin, les mu