
vécu la moitié de leur vie. » A peine sur le trône, il gouverna le
pays d’après ses vues particulières, sans se préoccuper le moins
du monde de ses protecteurs égyptiens. Son premier soin fut de
réprimer l’insolence des nomades qui, profitant des troubles de
1 empire, étendaient partout leurs ravages. Les tribus les plus
puissantes du Nedjed, les Meteyr et les Oteybah, apprirent à
craindre son glaive; victorieux des Bédouins, Ebn-Theneyan
sévit avec la même rigueur contre les habitants à demi barbares
de la Wadi Dowasir qui refusaient de reconnaître son autorité.
Malheureusement des scènes dont la cruauté rappelle les horreurs
d’Arcot et de Glencoe, souillèrent des entreprises d’ailleurs légitimes
et utiles au pays. Ebn-Theneyan s’occupa aussi d’embellir
la capitale et de continuer les travaux commencés par Turki; le
palais agrandi reçut dans ses dépendances l’arsenal et le magasin
à poudre, dangereux voisinage pour la demeure royale.
Mais, pour de semblables caractères, la prospérité devient un
poison funeste ; le petit-fils d’Abdel-Aziz ne tarda pas à se montrer
aussi despote que Khalid-Pacha ; ceux qui encouraient son déplaisir
étaient empalés ou brûlés vifs sans subir aucun jugement;
ses sujets, gagnés d’abord par sa mâle beauté, sa générosité fastueuse,
son énergie guerrière et la demi indépendance qu’il
affectait à l’égard de l’Égypte, finirent par le prendre en haine.
La corde était trop tendue, elle devait se rompre au premier choc.
Ebn-Theneyan administrait le Nedjed depuis cinq ans, lorsque
Mehemet-Ali mourut, laissant le royaume à son petit-fils Abbas-
Pacha. J’ai parlé ailleurs des plans ridicules de ce libertin à
moitié fou. Il n’eut pas plutôt gravi les degrés du trône que,
pour préparer l’exécution de ses projets, il mit en liberté Feysul
et les nobles wahabites enfermés avec lui dans la citadelle. Mais
n’osant les élargir sans la permission du sultan de Constanti-
nople, permission difficile à obtenir et même à demander, il
résolut d’employer la ruse. La garnison de la forteresse fut diminuée,
les gardiens se relâchèrent de leur surveillance et l’on
fournit secrètement aux prisonniers les moyens de s’enfuir.
Ceux-ci n’eurent garde de laisser échapper une aussi belle occasion;
au moment le plus sombre de la nuit, ils escaladèrent les
murs de la forteresse et arrivèrent bientôt sains et saufs sur les
côtes de la mer Rouge, où, comme de vrais Wahabites, ils rendirent
grâces à Dieu et se rirent d’Abbas-Pacha.
Des émissaires de Feysul, se rendirent au Nedjed pour sonder
les dispositions du peuple à l’égard de. son roi légitime. Leur
mission fut couronnée d’un plein succès ; dès qu’on apprit à Riad
le retour du prince, le sentiment public se prononça en sa faveur.
« Qu’il vienne, s’écriaient les Nedjéens; Kourshid-Pacha et Ebn-
Theneyan sont également détestés ; dès que Feysul paraîtra, nous
nous rangerons autour de son drapeau. » Le malheureux pacha
s’aperçut du danger qui le menaçait, il implora l’assistance de
son maître, mais Abbas était résolu à trahir sa propre cause.
Kourshid, voyant qu’il n’avait aucun secours à espérer du Caire,
évacua le Kasim, et ramena ses troupes en Égypte, abandonnant,
cette fois pour toujours, Une conquête qui avait coûté tant de
soins et d’efforts.
Livrés à eux-mêmes, les Kasimites envoyèrent à Feysul de
nouveaux et pressants messages pour le prier de devenir leur
maître et seigneur. Ils agissaient aussi follement que les habitants
de Sichem, mais nul Joathan ne leur rappela l’ingénieux
apologue des arbres et du buisson, si poétiquement raconté par la
Bible. L’Abimelech arabe n’hésita pas longtemps; il s’embarqua
pour Yamba, et arriva peu de jours après au Kasim, où l’enthousiasme
aveugle des habitants lui fournit une nombreuse armée.
Ainsi secondé, Feysul s’avança vers.Shakra et somma Ebn-Theneyan
de rendre la couronne à son légitime possesseur.
Le petit-fils d’Abdel-Aziz n’était pas homme à se laisser
effrayer par une simple menace. Il réunit les chefs locaux
de l’Ared afin de prendre avec eux les mesures nécessaires,
mais les nobles nedjéens lui dirent en face qu’aucun d’entre
eux ne lèverait un doigt pour soutenir sa cause, et ils allèrent
dans le Kasim rejoindre les drapeaux de Feysul. L’usurpateur
avait néanmoins encore quelques partisans, il se mit
à leur tête, et marcha sur Shakra. La défection d’une partie
de ses troupes le contraignit à rentrer dans Riad sans avoir
livré bataille. Désespérant alors de défendre la capitale, il se
renferma dans le palais suivi d’un petit nombre de serviteurs
dévoués.
Le fils de Turki, ému de l’accueil empressé des populations, se
sentit assez fort pour se montrer clément. Il offrit à son cousin
une capitulation honorable, lui promettant la vie et la liberté.
Ebn-Theneyan, qui avait en sa possession toute l’artillerie du
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