
naître l’affection. Aussi mes compatriotes devront se contenter
à Leymah de l’OJerint dum metuent de Tacite, — paroles qui résument
parfaitement la situation. Mes amis les pêcheurs paraissaient
redouter beaucoup que les Anglais, à commencer
par le roi et la reine, n’abandonnassent leur pays pour venir
s’établir dans l’Oman, lorsqu’ils connaîtraient la fertilité du
Rous-el-Djebal. C’est du moins ce que j’ai entendu dire ici très-
sérieusement. Je ne me crus pas obligé de calmer de semblables
appréhensions ; mes cheveux blonds et ma qualité d’étranger
auraient pu rendre suspect le défenseur de la cause britannique.
Je me contentai de soupirer d’un air sympathique. Aujourd’hui
encore, sans aucun doute, les habitants de Leymah pâlissent à
l’idée de voir Ruckingham-Palace et Westminster-Hall transportés
dans le Rous-el-Djebal.
En revenant de notre excursion, nous visitâmes le village.
Mais ce fut en vain que nous parcourûmes ses ruelles et que
nous frappâmes aux portes dans l’espérance d’obtenir l’hospitalité;
nous ne pûmes trouver un seul homme ; tous étaient sortis,
les uns pour pêcher, les autres pour mener paître le bétail,
sécher ou vendre les metouts. Une bonne femme restée au logis
consentit à partager avec nous d’assez mauvais pain arrosé d’eau ;
ce fut là tout le festin que .Leymah eut à nous offrir; quant à du
café, il ne fallait pas y songer. Au-dessous de la bourgade, près du
lit pittoresque d’un torrent, s’élève un petit dôme, objet d’unè
grande vénération ; à cet édifice se rattache une tradition fort longue
qui me fut débitée par un vieillard dans le * gazouillement »
du pays, aussi je ne compris rien à l’histoire si ce n’est que jadis
un feu sacré était entretenu en ce lieu, mais qu’il n’existait plus
depuis quelques années. En entendant cela, j ’allumai ma pipe,
et je priai mon vieil ami d’en faire usage comme dédommagement
de la flamme disparue du Kubbah; il se mit à rire, et
accepta mon invitation.
Dans l’après-midi, nous retournâmes à bord, et pendant la
soirée nous longeâmes la côte de Kalhat ou Kalhout. Le lendemain
matin nous nous trouvions en vue du golfe de Debi, magnifique
baie qui pourrait rivaliser avec celle de Naples ; plusieurs
petits villages sont disséminés sur ses bords, et par
derrière s’étend un panorama de montagnes qui serait digne de
la Sicile. J ’aurais beaucoup désiré descendre à terre, mais le
capitaine était satisfait de la cargaison de metouts qu’il avait
achetée à Leymah, et ni lui, ni l’équipage ne virent aucune raison
pour jeter l’ancre à Debi. Nous voguions à pleines voiles.en longeant
la côte qui devenait de plus en plus fertile et boisée,
tandis que les montagnes reculaient vers l’intérieur où elles
allaient rejoindre, au delà du Batinah, la grande chaîne du Djebel
Akhdar. Depuis la dernière guerre, ces territoires appartiennent
à Khalid-ebn-Sakar ; du moins perçoit-il les impôts,
mais sans exercer aucune autorité administrative. La population
se compose entièrement de biadites. La plus grande partie des
maisons sont groupées sur le rivage, dont le peu d élévation
favorise la culture, en même temps que le voisinage de la mer
invite à la pèche et au commerce, les deux occupations principales
des Omanites. Debi étant la capitale du Kalhat, c’est là que
réside le gouverneur local. La province est limitée du côté de la
terre par une chaîne de montagnes qui la sépare du Shardjah.
Vers midi, nous passâmes devant Zabarah, petite ville entourée
de beaux jardins; d’autres bourgades de moindre importance
sont échelonnées le long de la côte, car le district de Kalhat est
plus peuplé que celui du Rous-el-Djebal, et les habitants paraissent
beaucoup plus civilisés.
Avant la nuit nous arrivâmes en vue d’un rocher abrupt fort
élevé qui se dresse à dix ou douze milles de la côte, et forme le
contre-fort méridional de la chaîne de Rous-el-Djebal. On l’appelle
Kataa-Loha (coupeur de barbes), mais je n’ai pu savoir d’où luj
vient ce nom assez étrange. Il domine la vallée de Hamm, et de
ce lieu part une route conduisant à Shardjah. Au sud du Kataa-
Loha commence le Batinah, qui se prolonge sur le rivage jusqu’à
Barka et dans l’intérieur des terres jusqu’aux pentes du Djebel
Akhdar.
Si elle n’est pas la plus importante de l’Oman, cette province
en est au moins la plus riche. Bornée d’un côté par la mer, de
l’autre par une chaîne de hautes montagnes, elle est mieux arrosée
qu’aucun des districts de l’Arabie; le sol, fertilisé par les longues
pluies d’hiver, rafraîchi par des sources d’eau vive, est en outre
sillonné de nombreux courants qui descendent duDjebel-Akhdar,
et portent avec eux l’abondance et la vie, quoiqu’ils ne soient
ni assez considérables ni assez permanents pour mériter le titre
de rivières. Le Batinah est une grande plaine de cent cinquante