
dre un pouce de hauteur, sans que la moindre lézarde se produise
sur les côtés.
De cet endroit, le regard embrasse les vastes solitudes qui
séparent l’Hisa du Katar et forment une limite naturelle entre
les États rivaux du Nedjed et de l’Oman. Au sud-est, des collines
de sable dérobent la vue du golfe de Bahraïn et du port d’Ad-
jeyr; au sud-ouest s’élèvent les montagnes de Ghoweyr, près
desquelles est situé le village d’Eyn-Nedjm. On n’aperçoit pas
Shaabah, mais au-dessus de la place qu’il occupe, on distingue
les derniers contre-forts de la chaîne côtière qui va en s’a-
baissant vers l’est pour rejoindre les montagnes du Katar, dont
la ligne s’étend presque sans interruption jusqu’à l’Oman.
Dans la direction de l’ouest, on a devant soi une multitude
de courants, non plus artificiels, comme au Nedjed, mais
d’eaux vives, qui serpentent au milieu de palmiers touffus et
entretiennent une végétation demi-indienne particulière à cette
portion de l’Arabie. Plusieurs petits villages ornent la plaine
dans la direction du nord-ouest sur un espace de cinq ou six
milles ; enfin l’horizon est fermé par les rochers caverneux du
Djebel-el-Moghazi (Montagne des Batailles), où périrent les armées
d’Abbas, lieutenant du calife El-Matedad-Illah, envoyé
pour combattre Abou-Saïd-el-Djenabi, le premier des rois car-
mathes. La chaîne de montagnes se prolonge vers le nord à une
distance de cent milles, et finit au delà de Wab. De ce côté, les
environs d’Hofhouf offrent partout aux regards des champs cultivés
et des masses de feuillage, excepté dans les endroits où
les eaux, s’échappant des conduits avec trop d’abondance, forment
un véritable étang bordé de joncs et de roseaux, parmi
lesquels s’ébattent des oiseaux aquatiques. Cette vue, qui me
rappelait la patrie, me causa une profonde émotion. Je ne saurais
exprimer la joie que j ’éprouvais à suivre des yeux les mouvements
des innocentes créatures, si rares sur le sol de l’Arabie.
C’étaient, pour ainsi dire, des amis que je retrouvais après
une longue séparation. * Que le ciel les bénisseI » m’écriai-je
involontairement. Sur le bord des marais et des petits lacs
croissent de magnifiques dattiers, chargés des meilleurs fruits
de la Péninsule. Un caprice de la nature a jeté au nord-est de
la fertile plaine une colline solitaire sur laquelle existent encore
les ruines d’une fortification carmathe. Pour me résumer
en quelques mots, l’aspect général d’Hofhouf est celui d’un onyx
enchâssé dans des émeraudes, et le nom seul de la ville, comme
celui de Winchester, suffit à évoquer l’image d’un site riant et
enchanteur.
Mais, après m’avoir accompagné si loin, le lecteur commence
peut-être à souffrir de la soif, caria chaleur est accablante, bien
que nous soyons en décembre, et pas un nuage ne voile l’éclat
du soleil. Nous allons donc longer ce champ couvert de hautes
herbes, où une demi-douzaine de buffles rafraîchissent au bord
•d’un étang leur peau noire et calleuse; un peu plus loin, nous
trouverons la fontaine qui alimente le marais. Quoi donc! l’eau
est chaude, presque brûlante ! N’en soyez pas surpris ; toutes
les sources, tous les puits de l’Hasa présentent la même particularité;
il-en est quelques-uns dans lesquels on peut à peine
plonger la main ; d’autres ont une température moins élevée,
la plupart exhalent une assez forte odeur de soufre. Depuis
Koweyt, la plus septentrionale des villes de la province, jusqu’à
Shaabah, qui ferme au sud sa frontière, on découvre partout
les signes manifestes d’un feu souterrain. La saveur sulfureuse
.disparaît dans le Katar et sur les côtes du golfe Persique vers le
Ras-Mesandum, mais on la retrouve dans le Batinah ou district
inférieur de l’Oman. J’ai déjà parlé des bains thermaux d’Eyn-
Nedjm, nous visiterons plus tard les sources non-moins remarquables
d’Omm-Sebaa. Les roches sont presque toutes composées
de tuf et de basalte, preuve évidente de leur formation
ignée. Enfin, les habitants m’apprirent que de légers tremblements
de terre, phénomène entièrement inconnu dans le Haut-
Nedjed, se produisent ici fréquemment. Il y a environ trente
ans, une secousse d’une violence extraordinaire, dont plusieurs
maisons d’Hofhouf gardent encore les traces, jeta l’effroi dans la
ville. Peut-être était-ce le contre coup de la terrible catastrophe
qui, en 1836, ensevelit les habitants de Safed sous les ruines de
leur bourgade, détacha les énormes pierres de Kelat-Djish
(Djiscala) et faillit renverser les remparts d’Alep. L’Hasa, situé
le long du golfe Persique, appartient, en effet, A la grande vallée
qui, plongée en partie au-dessous du niveau du golfe, s’élève
ensuite pour former le lit du Tigre et de l’Euphrate, et qui partant
des plages de l’Oman et du Beloutchistan, se prolonge jusqu’aux
montagnes de l’Arménie où les tremblements de terre
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