
ena noweytul kharoudj min-es Salah » (0 Dieu, tu le vois, il faut
que je quitte le temple), s’écria-t-il à haute voix, et il sortit de
la mosquée dans un accès de colère impossible à décrire.
Les assistants continuèrent leurs oraisons, un tremblement
de terre ne les en aurait pas détournés. Mais dès que YEssalamu
aleykum wrahmel-Ullah eut donné le signal du départ, jeunes et
vieux, riches et pauvres coururent pleins de fureur assiéger la
maison d’Abdel-Latif pour demander à Mohammed-el-Bekri
compte de sa conduite. Si le cheik avait été nedjéen, il aurait
fait prudemment des excuses, ou plutôt il ne se serait pas compromis.
Comme il était Syrien, et Syrien de Damas, c’est-à-dire
fort irascible, il sentit le sang lui monter au visage. Il répondit
par un torrent d’injures, dans lesquelles les Wahabites et leur
fondateur étaient largement gratifiés du titre d’impies, de schis-
matiques, d’hérétiques, d’infidèles, de mécréants pires même
que des infidèles. Naturellement les habitants de Riad ne demeurèrent
pas en resta; les tu quoque jaillirent en abondance et
Bekri dut s’estimer heureux d’être dans le Nedjed, où jamais on
ne suit une impulsion première, si violente qu’elle soit. Les assaillants
s’étant retirés après lui avoir clairement fait entendre
ce qu’ils pensaient de lui et de ses actes, le cheik crut l’orage
passé. Il se trompait ; le soir même un message de Feysul l’avertit
qu’il eût à quitter Riad dans la nuil, car le roi ne répondait
pas de sa sûreté pour le lendemain. La colère des Nedjéens, en
effet, n’est pas un feu de paille, elle devient plus vive le second
jour que le premier, le troisième que le second. Mohammed-el-
Bekri jugea le conseil prudent, car, avant les premières lueurs
de l’aube, il avait pris la route de l’Hasa.
Le khotbah ou sermon, qui forme la partie essentielle des
cérémonies religieuses du vendredi, prend un caractère particulier
dans la capitale wahabite. On évile soigneusement d’y
parler des califes, des Sahhaban, de tous les saints de l’islamisme
; Mahomet seul trouve grâce aux yeux des réformateurs,
mais son nom n’est jamais accompagné des phrases élogieuses
que partout ailleurs on ne manque pas d’y joindre. Les prières
pour le sultan de Constantinople sont remplacées par de courtes
oraisons, dans lesquelles on demande à Dieu de bénir le règne
de Feysul et de protéger « les armées des musulmans, » c’est- à-
dire des seuls Wahabites, car les Turcs, les Égyptiens, les Syriens
sont invariablement qualifiés d’infidèles. On ne prononce
pas non plus dans les mosquées nedjéennes l’odieuse série d’imprécations
lancées à Damas et au Caire contre les peuples qui
n’ont pas reconnu le Prophète; on se contente de prier le ciel de
les humilier et de les confondre. Quant à la morale enseignée
par les prédicateurs, j’aurai occasion de la faire connaître lorsque
je parlerai des doctrines wahabites.
Je suis obligé, par respect pour la décence, d’omettre certaines
particularités des ablutions nedjéennes qui amusent fort les
musulmans appartenant aux sectes rivales.
L’Arabe dans les mots brave l’honnêteté;
Mais le lecteur français veut être respecté.
Cependant, si l’on me pressait de donner une explication en
arabe, je profiterais des nombreux synonymes de cette langue
pour raconter une ou deux histoires, qui feraient rire mes auditeurs
européens d’aussi bon coeur que les joyeux compagnons
de Bahraïn et de l’Oman.
Le culte des Wahabites offre encore avec celui des autres
musulmans une différence assez importante. Après les prières
du matin et du soir, les croyants ont coutume de répéter dix
fois de suite une longue sentence tirée du Coran, et contenant
les louanges d’Allah. Dans tout l’Orient, le rosaire est employé
pour compter le nombre des récitations; les Nedjéens ayant
observé que le Prophète ne paraît pas avoir fait usage de ce
pieux objet, l’ont obstinément rejeté; ils se bornent à étendre,
puisa replier successivement les doigts après chaque verset.
Le rosaire est entièrement banni de Riad, et si un étranger le
porte à sa ceinture, il court risque d’entendre les plus désagréables
commentaires sur les inventions superstitieuses des temps
modernes.
Outre la grande Diamia, la capitale wahabite renferme une
trentaine de mesdjids, réparties dans les différents quartiers.
Nous citerons entre autres celle qu’Abdallah, l’héritier du trône,
honore tous les jours de sa présence, et une autre où officie le
cadi Abdel-Latif; ces deux édifices, quoique rigoureusement dépourvus
d’ornements, attirent l’attention par leur grandeur et
l’extrême propreté qui préside à leur entretien. Dans toutes les
mosquées, on appelle matin et soir à haute voix les noms des