
milles de longueur sur quarante de large; il s’élève graduellement
vers l’intérieur et se couvre de vertes collines; près du
golfe, les terres sont assez hautes pour rendre le climat salubre.
La végétation peut rivaliser avec celle du Konkan ; le manguier,
le cocotier, le palmier avec d'autres végétaux dont je connais
mieux les noms indiens que les dénominations arabes, l’aley aux
larges branches, le kathol, le jamblu, le papayer, si commun
aux environs de Bombay, sans parler d’une foule d’arbrisseaux
empruntés à la flore tropicale, se mêlent au dattier et à l’ithel,
seuls arbres dont la présence rappelle au voyageur qu’il est
encore dans la Péninsule. Les produits de l’agriculture ne sont
pas moins variés; ils comprennent le coton à fleur blanche ou
rouge, une espèce particulière de café qui ne ressemble ni à
celui de 1 Inde ni à celui de l’Yémen, l’indigo, la canne à sücre,
1 igname, le blé, le maïs, le millet, des plantes légumineuses de
toutes sortes, enfin des abricots, des pêches et, je crois, des
pommes importées sans doute de Perse, car elles sont désignées
par le nom iranien de sib. Des vignes fertiles revêtent les pentes
du Djebel-Akhdar, et fournissent d’excellent vin ; il est heureux
que les habitants soient carmathes, et non pas mahométans; Sans
cela, ils se priveraient de l’un des plus précieux dons de la nature.
Les chênes, les platanes et les nabaks, qui atteignent ici
des proportions gigantesques, fournissent des bois de charpente
pour les vaisseaux et les habitations;, le teck est apporté de
l’Inde.
Le Batinah renferme, disent les Omanites, plus de cent villes
ou villages, et, d’après ce que j ’ai vu de mes propres yeux, je n’ai
pas de peine à le croire. La côte offre une succession non interrompue
de jardins et d’habitations depuis le cap Kornah, où
commence la province, jusqu’à Barka, où elle finit; aussi loin
que le regard peut s’étendre, on aperçoit des champs de cultures
et des maisons à demi cachées par d’épais feuillages. Après
Sohar, capitale du district, la ville la plus considérable est Barka ;
mais Lowa, Soweyk, Fadjirah, Soham sont- aussi des centres importants
de population.
A la nuit, la brise étant tombée, nous amarrâmes près du
rivage. Puis, quand l’étoile de Vénus, saluée par nos marins du
nom de Farkad, eut fait briller dans le ciel sa douce lumière le
vent souffla de la côte, et nous glissâmes lentement sur les
eaux, tandis que le capitaine me montrait ville après ville,
bourgade après bourgade. Fadjirah, théâtre sanglant des dévastations
de Iihalid, Shinaz, célèbre par un combat meurtrier,
attirèrent surtout nos regards, et leur aspect, florissant aujourd’hui,
nous suggéra plus d’une réflexion. La guerre, comme la
peste, laisse peu de traces parmi les vivants.-Nul Méphistophélès
ne saurait empêcher un sang jeune et bouillant de courir dans
les veines de l’humanité, et si le joyeux travail du printemps
ne peut rajeunir ce que l’automne a flétri, il le remplace par des
fleurs nouvelles et aussi nombreuses qui vont à leur tour où
sont allées leurs devancières. La lutte des Deux-Roses n’a pas
empêché l’Angleterre de se développer, pas plus que les guerres
du premier Empire n’ont tari la séve de la France; dans quelques
années, la population des États-Unis sera plus nombreuse
qu’elle ne l’était sous le président Lincoln. Un mauvais gouvernement
exerce une action plus dévastatrice que les hordes
d’Attila ou les sombres cohortes de la mort. Shinaz offrait à
notre vue un de ces jolis édifices, moitié citadelle, moitié château
qui sont particuliers à l’Oman et dont la façade symétrique, le
haut portail, les tourelles gothiques attestent qu’ils ont été construits
en vue de l’art plus encore que de la défense militaire.
Une apparence de paix et de sécurité forme le caractère distinctif
de l’Oman. Zeyd et ses compatriotes parlaient de la dernière invasion
wahabite avec l’horreur et l’étonnement profond de gens à
qui ces sanglantes scènes sont peu familières; la guerre en effet
-n’est pas moins anomale ici qu’elle est ordinaire au Nedjed et
dans l’Arabie occidentale. Le soir venu, nous jetâmes l’ancre
devant Farksah; près de nous s’étendait une longue rangée de
maisons abritées par des bois touffus qui donnaient au rivage
un aspect assez semblable à celui de quelques côtes du midi de
l’Europe, mais plus pittoresque encore; une heure après le coucher
du soleil, nous entendîmes le canon que l’on ne manque
jamais de tirer à Sohar vers la fin du jour.
Le lendemain de bonne heure, nous atteignîmes la rade de
cette dernière ville où j ’avais résolu de descendre pour suivre
pendant le reste du voyage la route de terre. Mais » l’homme
s’agite et Dieu le mène, » et, sur l’échiquier de la vie, le hasard
des circonstances décide du succès aussi souvent que l’habileté
des combinaisons. Yousef et moi nous quittâmes à regret Zeyd,