
miers, un puits solitaire, des jardins enclos de haies de cactus,
mais le sol est trop léger pour être bien fertile. Parfois des
végétaux entrelacés comme dans les jungles de l’Hindous-
tan, forment des monticules de verdure ; le climat ressemble à
celui des tropiques, et si j ’avais eu ce jour-là, 17 février, un
thermomètre en ma possession, il aurait marqué, j ’en suis sûr,
quatre-vingts degrés Farenheit. Quelques tentes appartenant aux
Bédouins Aamir, tribu tout à fait inoffensive, donnent une certaine
variété au paysage.
Il y a ici une multitude d’ânes, inférieurs peut-être à la race
égyptienne, mais d’une ardeur remarquable, et par cela même
très-propres à de petits voyages. Yousef et moi, nous en louâmes
deux pour aller explorer les environs.
Nous suivîmes la route qui conduit à Bereymah, dans la direction
du sud-est, au milieu de palmiers nains sauvages, de
jardins et de cabanes; puis nous atteignîmes un terrain en pente
sur lequel se dressait une petite tour de garde pareille à celles
du Katar. De cet endroit, la large plaine dont j ’ai parlé se déroulait
à nos regards. Vers l’orient, nous apercevions un village
nommé Houtah; au sud s’étendaient des prairies, dans le fond
desquelles un campement de Bédouins Menasir, envoyait vers le
ciel des colonnes de mince fumée bleue. Au delà se prolongeaient
de basses collines renfermant, au dire d’un Arabe qui
nous .accompagnait, de nombreux hameaux et faisant partie
d’un territoire nommé Shaab (Gorges.) Dans le lointain, on
apercevait une haute montagne, la première de la chaîne d’Okdah.
J ’aurais souhaité de prendre cette route et de traverser l’Oman,
mais il m aurait fallu plus de temps que les circonstances ne
m en laissaient, car on met un mois entier pour se rendre à
Mascate par la voie de terre. Nous ajournâmes donc ce projet
dont l’exécution est sans doute réservée à d’autres qu’Yousef
et moi, et nous nous contentâmes d’explorer du regard le district
qui nous environnait ; puis, comme il était plus de midi,
nous dirigeâmes nos montures du côté de la mer et nous arrivâmes
à Dobey un peu avant le coucher du soleil.
De même que Shardjah, cette bourgade possède un khowr très-
vaste, qui ressemble à un lac intérieur et qu’un large lit de sable
blanc sépare de ia mer. Elle est populeuse, bien que dépourvue
de fortifications et construite d’une manière fort irrégulière;
ses jardins sont riches, ses puits nombreux, et elle a toute une
flottille de bateaux employés à la pêche des perles, non sur cette
côte, mais dans la baie sud-ouest, au delà d’Abou-Debi. Nous
mîmes pied à terre sous un bouquet de palmiers qui ombrageait
quelques maisons près de l’entrée du village et nous prîmes un
peu de repos, tandis que les habitants nous racontaient diverses
histoires sur les Benou-Yass. Nous avions aperçu déjà deux ou
trois bandes de ces pillards, hommes à la physionomie sombre,
à la taille élevée, que l’on rencontre toujours armés de fusils'
de courtes lances' et de poignards. Une longue chevelure noire
tombant en désordre sur les épaules leur donnait un aspect
sauvage et poétique. De tous les ennemis de l’islamisme, ils
passent pour les plus acharnés, et les exploits qu’ils accomplissent
sur le golfe sont souvent inspirés autant par leur
haine contre les wahabites que par la cupidité. J ’en citerai un
exemple.
Six Nedjéens, que leurs affaires avaient amenés sur les côtes
du Katar, voulurent se rendre de là au Ras-el-Kheymah, non
loin du cap Mesandum. Un sloop appartenant à des Arabes de la
tribu des Benou-Yass offrit de les y conduire. Les Nedjéens
n’avaient emporté avec eux aucun objet de prix, et, par surcroît
de précautions, ils s’étaient pourvus d’armes. Mais les marins
les avaient pris à bord uniquement pour satisfaire leur antipathie
contre les musulmans; ils attendirent patiemment
l’heure de réaliser leur sinistre projet, et, vers midi, pendant
que les passagers sans défiance se livraient au sommeil, ils
tombèrent sur les victimes. Cinq des wahabites étaient’des
hommes dans toute la vigueur de l’âge. Les Benou-Yass leur
lièrent les pieds et les mains, puis ils les précipitèrent dans les
flots, où tous devaient trouver une mort certaine. Quant au
sixième,-qui sortait à peine de l’enfance, il fut jeté à la mer sans
être attaché, les marins, par compassion pour sa jeunesse, voulant
pèut-être lui laisser une dernière chance de salut. Leur
crime accompli, ils réunirent, ce qui avait appartenu aux Nedjéens,
armes, marchandises, vêtements, et lancèrent le tout pardessus
le bord, afin que nulle preuve ne vînt témoigner
contre eux.
Poussé par l’instinct vague de la conservation, l’enfant nagea
aussi longtemps que ses forces le lui permirent, mais la côte