
dante satire des poètes arabes. Leur portrait, tracé il y a mille
ans, est aujourd’hui la iidèle image des Nedjéens. « Vous êtes
étonné que les hommes de l’Ared agissent ainsi, » répondait un
habitant d’Hofhouf à un ami qui rapportait sur la cour de Riad
des bruits assez peu flatteurs, « oubliez-vous donc que ce sont
des Benou-Tamim? » Les Wahabites, moins généreux, moins
prompts à embrasser les entreprises difficiles, moins gais et
moins francs que les autres Arabes, sont aussi plus persévérants
et plus sages; ils manifestent rarement par des paroles leurs
sentiments secrets, mais ils sont fermes dans leurs desseins,
terribles dans la vengeance, ennemis implacables, amis douteux
pour quiconque n’est pas leur compatriote ; ils pourraient, soit
dit sans offense et sous toute réserve, être appelés les Écossais
de la Péninsule. L’expression de leurs traits, réservée, dure,
sombre même, contraste étrangement avec les bienveillants
visages des Arabes du nord. Ils n’obéissent pas à l’impression du
moment, ils suivent un système tracé d’avance; s’ils ont l’intelligence
bornée, une volonté forte et persévérante les rend
capables d’organiser puissamment leur état social, et de devenir
pour leurs voisins des maîtres tyranniques; enfin une étroite
union doit assurer leur triomphe sur des ennemis qu affaiblissent
des divisions incessantes; aussi l’empire vvahabite tend-il à
absorber la plus grande partie de la Péninsule, et son rêve ambitieux
se réalisera peut-être plus tôt qu’on ne le pense.
Le caractère des Nedjéens se reflète dans les moindres actes de
la vie domestique. Il faut, quand on s’entretient avec eux, veiller
sur sa langue, mesurer ses gestes, comme on le ferait avec des
ennemis. Gardez-vous d'ouvrir votre coeur à des hommes qui
ne dévoilent jamais leurs sentiments, qui ne laissent échapper
aucune parole sans l’avoir bien pesée ; gardez-vous d’étaler votre
supériorité devant ces âmes envieuses, de mettre votre confiance
dans une race chez laquelle la trahison est aussi commune
que la bonne foi. Il est rare cependant de surprendre dans la
bouche d’un AVahabite un mensonge formel, mais il n’en sera
pas moins habile à vous tromper; mentir par le silence est un
art fort répandu au Nedjed.
A cette tournure d’esprit peu sympathique s'allie une grande
simplicité dans le costume et l’ameublement; indépendamment
du puritanLme vvahabite et de la rigueur de son code, la modér
a t i o n est une vertu naturelle aux hommes do l’Ared, et pourtant
elle n’empêche pas toujours leur immense orgueil d’éclater
en prodigalités fastueuses. Mais le nombre de ceux qui se sentent
assez forts pour braver ainsi l’opinion publique est heureusement
restreint; la plus grande partie des habitants affecte, au
contraire, une excessive austérité.
L’Ared et l’Yémamah sont des provinces essentiellement agricoles;
le Woshem, situé sur la route de l’IIedjaz, et le Sedeyr
septentrional sur celle de Bassora, s’adonnent davantage au
commerce; leurs habitants aiment les' excursions lointaines et
quittent volontiers la terre natale pour s’établir pendant quelque
temps dans un pays étranger. Avant que le gouvernement wa-
habite, créant une centralisation puissante, eût attiré vers le
coeur du Nedjed l’activité qui s’épanchait autrefois au dehors,
les marchands voyageurs étaient fort nombreux dans tous tes
districts; l’histoire d'e Mohammed-ebn-Abdel-Wahab nous en
fournit un exemple; les anciens auteurs arabes, Hariri dans le
Kitab-el-Aghani, Ebn Khallican dans son üoxvdat-cl-Abrar, parlent
aussi du commerce des provinces intérieures. Aujourd’hui
l’Ared, l’Yémamah, l’Afladj, le Dowasir bornent leur trafic au
cercle élroit de ta consommation locale. A Riad et dans les grandes
villes du Nedjed, les affaires importantes sont même abandonnées
à des étrangers venus de l’Hasa, de l’Oman, de la Mecque
et de l’Yémen. Le véritable Nedjéen vend ses produits, mais
il ne s’occupe pas d’en faire venir de l’étranger; il est juste cependant
d’excepter de cette règle les habitants de l’Harik, comme
nous le verrons plus tard.
L’agriculture, au contraire, est en grande faveur dans l’Âred;
chacun possède une petite pièce de terre d’où il tire ses principaux
moyens d’existence; Fcysul lui-même a placé en propriétés
rurales la plus grande partie de scs richesses. L’abondance des
récoltes de maïs et de blé, l’excellente qualité des dattes prouvent
que les Nedjéens sont d'habiles cultivateurs. Leurs charrues,
quoique d’une construction très-élémentaire, suffisent, à labourer
un sol léger qui, dans ce doux climat, n'exige ni violents
efforts ni sillons profondément creusés. Une grossière claie remplace
la herse à dents de fer, et une large pelle de bois tient lieu
de bêche. Il est indispensable de féconder par une copieuse irrigation
la terre que la pluie rafraîchit trop rarement. J’ai décrit