
railles sont ornées de peintures qui, si elles ne valent pas tout
à fait les fresques de Giotto ou du Ghirlandajo, suffisent pourtant
à donner aux pièces un aspect plus riant, et si je puis
m exprimer ainsi, plus chrétien que le badigeon gris ou brun
des appartements de l’Ared et du Kasim. Après tout, les hommes
qui n ont pas sous une forme ou sous fine autre le sentiment
de l’art sont-ils beaucoup au-dessus de la brute? Mais je m’arrête,
car si je ne faisais pas grâce aux lecteurs dés dissertations
qui me sollicitent à chaque pas, il lui faudrait autant de temps
pour lire la relation de ce voyage que j’en ai mis à l’accomplir..
Ce qui donne aux maisons de l’Hasa une supériorité décisive
sur celles de l’Arabie centrale, c’est l’emploi de l’arceau, sans
lequel il peut bien exister des bâtiments, mais nul édifice vraiment
digne de ce nom. L’arceau de l’Hasa, petit ou grand,
n’est jamais, je crois, le segment d’un cercle, mais de deux;
il tient le milieu entre le gothique des Tudors et la « lancette »
des Plantagenets. Je n’ai pas vu non plus ici la courbe en forme
de fer à cheval qui caractérise ce que l’on est convenu d’ap-,
peler 1 architecture moresque ; l’arceau que l’on rencontre est
simple et large ; on y pourrait tracer un triangle équilatéral,
quelquefois obtus, mais jamais aigu. Les habitations sont construites
avec plus de régularité que celles du Nedjed, l’air et
la lumière y circulent librement; le toit, au lieu d’être une
masse de boiseries grossières, supportées par de lourds piliers,
prend une forme élégante, fort agréable à l’oeil d’un voyageur
nouvellement arrivé à Riad.
Pendant qu’àssis au foyer de ces maisons hospitalières, nous
écoutions réciter des poésies et des légendes, interrompues
souvent par de joyeuses plaisanteries et des éclats de rire,
nous eûmes amplement l’occasion de voir ce que l’on appelle
familièrement * le revers de la médaille » ou, comme disent les
Arabes « le dessous du tapis. * Si au Nedjed, le nom de Feysul
est l’objet de la vénération publique, on l’accable ici de malédictions;
pour la première fois dans la Péninsule, j’entendis
cette phrase qui résume avec énergie le sentiment de l’Hasa :
« Baghadna Allah wal Islam, » (haine à l’Islam et à Son Dieu), et
encore celle-ci : « Tfou ala-l-Muslimin » (maudits soient les musulmans).
La formule sacramentelle « La Ilah ilia Allah » est ici
complètement passée de mode, le nom de mahométan devient
presque une injure, et même, horresco referens, il n’est pas rare
qu’on l’associe avec l’injurieuse épithète de « chien. » En même
temps, les habitants d’Hofhouf vantent avec enthousiasme la
prospérité commerciale de Bombay, et les éloges qu’ils donnent
à la ville indienne sont entremêlés de comparaisons peu flatteuses
pour le gouvernement wahabite et aussi pour la Turquie;
car de fréquents voyages à Bagdad et à Bassora les ont mis en
état d’apprécier la véritable valeur de l’administration ottomane.
Souvent, à la faveur de la nuit, les anciens chefs tenaient des
conciliabules secrets, soit dans des maisons écartées, soit autour
du foyer toujours allumé d’Abou-Eysa. J’assistai deux fois à ces
réunions, et j ’appris combien est étendue la conspiration anti-
wahabite. Elle a son'siége dans l’Hasa et l’Oman, recrute dans
l’Harik et le Sedeyr des partisans nombreux, Telal-ebn-Rashid
est prêt à s’ÿ joindre, presque tous les Kasimites attendent
avec impatience ie signal de la révolte, et les tribus nomades
sont disposées à prendre part au mouvement.
Geux-de mes lecteurs qui connaissent le dévouement profond
des Arabes pour les chefs de leurs clans, n’auront pas de peine
à comprendre qu’un gouvernement qui a dépossédé, banni ou
massacré les plus nobles familles de là Péninsule, soit devenu
l’objet d’une haine mortelle ; jamais un Arabe ne pardonne
l’injure faite à ses pères, et la vengeance se poursuit jusqu’à
la vingtième génération. A cette cause déjà si puissante, il faut
ajouter une antipathie de race héréditaire, l’irritation causée
par la conquête, l’aversion innée des Arabes pour le formalisme
et les observances minutieuses; on ne sera donc pas étonné
des proportions qu’a prises la réaction antiwahabite, il y aurait
lieu plutôt d’être surpris qu’elle n’embrassât pas la Péninsule
entière. Les Bédouins, eux aussi, ont de sanglantes représailles
à exercer, des droits à reconquérir; si l’amour de la liberté
anime les habitants de l’Hasa et du Kasim, la passion du pillage
et du désordre enflamme les_Adjman et les Benou-Khalid; on
peut donc, dans le cas d’une insurrection, compter sur leur
appui- Mais, pour des raisons que nous avons expliquées déjà,
particulièrement dans le cinquième chapitre, leur concours n a
pas grande valeur. En attendant l’oGcasion de montrer leur
bravoure, ils exhalent leur ressentiment contre Feysul en ridi