
l ’importance que lui donnèrent les souverains wahabites.
Riad avait été la capitale de l’Ared au temps de Moseylemah ;
Eyanah jouit de cet honneur sous la famille des Maammer, à
l’époque où Manfouhah était la principale ville de l’Yémamah.
Le chef Saoud, né dans la tribu des Anézah, et allié par le
sang aux Waïl, aux Tahgleb et aux Shomer, était maître du
village destiné à gouverner un jour l’Arabie, village qu’il
tenait en fief des Benou-Maammer. Ceci se passait cinquante
ans environ avant l’avénement de Saoud II, le premier prince
de la famille qui prît le titre de roi ; mais les Wahabites regardent
son grand-père comme le fondateur de la dynastie. A la
mort de Saoud I, son fils Abdel-Aziz monta sur le trône à
son tour, et il eut p o u r. successeur le disciple et l’ami du
grand Wahabite. J’ai raconté déjà comment ce chef se convertit
à la secte réformée, avec quel zèle il s’en fit l’apôtre, et quel succès
récompensa ses efforts. Son règne dura près de cinquante
ans ; avant de mourir, il vit son autorité reconnue depuis les rives
du Golfe Persique jusqu’aux frontières de la Mecque. La dynastie
d’Ebn-Tahir dans l’Hasa, celle de Daas dansl’Yémamah, de Darim
dans le Kasim, avaient, chacune à son tour, disparu devant le
conquérant, et son empire occupait une étendue presque égale à
celle qu’il a prise de nos jours ; mais doué d’autant de prudence
que d’esprit d’entreprise, Saoud évitait tout empiétement sur
1® frontières des États puissants avec lesquels le nouveau
royaume était en contact. La suprématie de la Perse sur les îles
Bahraïn, son protectorat dans le Katif, étaient respectés par les
Nedjéens; le sultan d’ûman, Ebn-Saïd, n’avait à se plaindre
d’aucune agression ; les limites sacrées de la province de la Mecque
n’avaient pas été violées, et nul acte hostile n’éveillait l’a-
nimosité de la Turquie et de l’Égypte. Saoud lui-même ne paraît
pas avoir été seulement un prince victorieux au dehors, il se
faisait aimer dans ses États ; c’était un modèle de savoir et d’étude,
autant que le permettent les prescriptions de sa secte;
en même temps qu’il servait puissamment la cause wahabite
il s’occupait d’embellir sa capitale de monuments qui devaient
flatter l’orgueil de ses sujets, et accroître sa popularité. Les
ruines d’un palais immense et d’une mosquée non moins célèbre
attestent encore à Dereyah la magnificence du monarque qui les
fit élever; l’ancienne capitale, au milieu de sa désolation actuelle,
offre un aspect plus régulier et plus artistique que la ville de
Riad. Saoud avait en outre une répugnance invinciblè pour l’effusion
du sang que ne commande pas la nécessité, et il était
humain même pendant la guerre. Minerve plutôt que Bellone
dirigeait ses campagnes; souvent une soumission opportune
faisait rentrer son épée dans le fourreau. Les chroniques ned-
jéennes ne mentionnent sous son règne ni massacres, ni dévastations
dans la plupart des provinces annexées, même dans le
Kasim, où l’on aurait pu tout attendre de la colère du vainqueur.
Dans l’Hasa, les Benou-Khalid seuls opposèrent une indomptable
résistance; mais abandonnés par la majorité des habitants, ils
furent bientôt soumis.
A son lit de mort, Saoud fit venir ses deux fils : Abdel-Aziz et
Abdallah. Il désigna le premier comme son successeur, chargea
l’autre de fonctions importantes; enfin il leur recommanda,
d’imiter sa fermeté, surtout sa prudence, afin de ne pas « miner
le rocher, » paroles qui les avertissaient du danger d’exciter la
colère de voisins plus puissants qu’eux, et en particulier de la
Porte ottomane, car si cet État avait 1 apparence de la faiblesse,
le poids inerte du colosse pouvait encore écraser ses ennemis.
Vers Tannée 1800 ou environ (mes lecteurs se rappelleront ce
que j ’ai dit plus d’une fois au sujet des dates arabes), Abdel-Aziz
monta sur le trône, son règne fut court, mais rempli d’événements
aussi glorieux que funestes.
Imprudent et hardi, Abdel-Aziz, malgré les conseils de son
père, dirigea bientôt ses armes contre l’Orient, assaillit le Katif,
dont les habitants furent massacrés, s’empara des Bahraïn et
des autres îles voisines du Golfe Persique, envahit la côte orientale
ou Barr-Faris, qu’il détacha pour jamais de l’empire persan,
et enfin se jeta sur le royaume d’Oman. Cette expédition, qui était
dirigée par le frère du roi, l’impétueux Abdallah, fut couronnée
d’un plein succès. Après plusieurs batailles, dont chacune était
une victoire, le jeune chef parvint à déloger l’ennemi des hauteurs
qui dominent Mascate, et tourna les batteries du fort contre
la ville elle-même. Le sultan Saïd ne voulut pas braver l’orage ;
il consentit à payer un tribut annuel, à recevoir une garnison
wahabite dans les places les plus considérables de son royaume,
et permit l’érection de mosquées orthodoxes à Mascate et dans
plusieurs autres cités omanites.